Le langage humain offre une gamme de sons très diversifiés allant du « m » au « a » – que l’on retrouve partout –, jusqu’à de rares consonnes ou clics comme dans certaines langues d’Afrique australe. Il était admis jusqu’à présent que cette gamme de sons s’est établie avec l’émergence d’Homo sapiens, il y a environ 300 000 ans.

En 1985, le linguiste Charles Hockett observe que les langues qui favorisent les sons « f » et « v » – produits en plaçant la lèvre inférieure contre les dents – se retrouvent souvent dans les sociétés ayant accès à des aliments plus mous. Partant de cette constatation, une équipe internationale émet l’hypothèse que ces sons sont apparus à la suite d’une évolution de la morphologie de la mâchoire.

Image légendée
Deux mâchoires : l'une du paléolithique (à gauche) avec une dentition bord à bord , l'autre une mâchoire moderne en supraclusion. © Tímea Bodogán

Sur des bases linguistiques, paléoanthropologiques et biomécaniques, l’équipe établit qu’avant la période du Néolithique, les aliments issus de la chasse et de la cueillette consommés par Homo sapiens usaient ses dents postérieures de façon prématurée, modifiant ainsi la position de sa mâchoire : difficile dans ces conditions de prononcer les sons « f » et « v ».

Mais à partir du néolithique (6000 à 2100 avant notre ère), le développement de l’agriculture et de l’élevage offre aux hommes une tout autre nourriture : gruaux, ragoûts, soupes et produits laitiers n’entraînent plus une usure prématurée de la dentition, ce qui a permis aux consonnes labiodentales de faire leur apparition dans les différentes langues modernes.