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Le brise-glace Polarstern de l'institut allemand Alfred-Wegener dans l'océan Arctique, le 1er janvier 2020 © Alfred Wegener Institut / AFP / Archives Lukas Piotrowski

Après un an d’exploration de l’Arctique, la plus grande expédition jamais menée au pôle Nord a regagné l’Allemagne ce lundi en lançant un cri d’alarme sur la fonte de la banquise provoquée par le réchauffement climatique.

À l’issue de 389 jours en mer, le brise-glace Polarstern de l’institut allemand Alfred-Wegener a retrouvé en début de matinée son port d’attache de Bremerhaven, dans le nord-ouest de l’Allemagne, accompagné par une flotte de bateaux et d’un public matinal rassemblé sur les quais.

« Il est de retour. J’ai des battements de cœur, j’ai tant attendu ce moment », a déclaré Antje Boetius, la directrice de l’institut avant que les sirènes du Polarstern et des bateaux alentour ne retentissent dans ce port à l’embouchure de la rivière Weser qui se jette dans la Mer du Nord.

Une conférence de presse doit se tenir en milieu de journée.

À l’heure du retour, l’ambiance au sein de l’expédition internationale MOSAIC est loin d’être à l’euphorie tant les scientifiques ont pu saisir l’ampleur du changement climatique dans le vaste océan Arctique. 

« Nous avons regardé comment la banquise se meurt » en été, a expliqué à l’AFP le chef de l’expédition, Markus Rex, joint par téléphone satellite à bord du navire.

Pour ce climatologue et physicien, le constat est sans appel. « Si le changement climatique se poursuit comme cela, alors dans quelques décennies, nous aurons un Arctique libéré des glaces durant l’été ».

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Fonte de la banquise en Arctique © AFP Simon Malfatto

«Impressionnante»

Lors des sorties sur la banquise pour y effectuer des mesures ou des prélèvements, toute l’expédition a pu constater cette évolution que le chercheur juge « impressionnante ».

« Directement au pôle Nord, nous avons trouvé (en été) de la glace fondue, mince, friable », a témoigné M. Rex, évoquant aussi « des surfaces d’eau liquide à perte de vue, jusqu’à la ligne d’horizon ».

Un diagnostic confirmé par des observations satellites aux États-Unis qui ont révélé que la fonte de la banquise cet été avait été telle que la superficie des eaux gelées avait atteint leur deuxième plus bas niveau, après 2012.

En hiver, où ils affronté la nuit absolue pendant plusieurs mois, les scientifiques ont également mesuré des températures beaucoup plus chaudes qu’il y a quelques décennies.

Au total, plusieurs centaines d’experts et scientifiques de 20 pays différents ont séjourné en se relayant sur le navire qui s’est laissé glisser avec les glaces selon la dérive polaire, ce courant océanique qui s’écoule d’est en ouest dans l’océan Arctique. 

Pour mener à bien les recherches, un camp a été établi, amarré à un morceau de banquise et composé de quatre stations scientifiques dans un rayon allant jusqu’à 40 km autour du bateau.

Les experts ont récolté plus de 150 térabits de données ainsi que de nombreux échantillons de glace et d’eau.

Ils promettent de livrer des informations précieuses pour comprendre « les processus complexes » en jeu au pôle Nord qui conduisent à un réchauffement climatique plus accéléré encore dans cette région que dans le reste du monde.

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Image satellite prise par la mission Copernicus Sentinel-2 de la fonte des glaces au Groenland, dans l'Arctique, le 27 août 2020 © European Space Agency / AFP Handout

«Percée»

Pendant un an, ils ont ainsi pu observer plus d’une centaine de paramètres. Cela a permis « une percée dans la compréhension du système climatique de l’Arctique », selon Markus Rex. 

La mission, dotée d’un budget de 140 millions d’euros, a étudié à la fois l’atmosphère, l’océan, la banquise et l’écosystème pour recueillir des données évaluant l’impact du changement climatique.

L’analyse complète jusqu’à leur diffusion dans des publications scientifiques devrait prendre un ou deux ans.

L’objectif est de mettre au point des modèles de prédiction du climat pour déterminer à quoi ressembleront les vagues de canicule, les pluies diluviennes ou les tempêtes dans 20, 50 ou 100 ans.

« Pour établir des modèles climatiques, nous avons besoin d’observation in situ », explique Radiance Calmer, chercheuse en sciences atmosphériques de l’Université du Colorado à Boulder. Elle a séjourné de juin à septembre sur le Polarstern.

Depuis le départ du navire de recherche allemand de Tromsø, en Norvège, le 20 septembre 2019, les scientifiques ont affronté de longs mois dans la nuit absolue, des températures tombées jusqu’à -39,5 °C et ils ont reçu la visite d’une soixantaine d’ours polaires.