Butylcarbamate d’iodopropynyl, coumarine, butylphényl méthylpropional, dioxyde de titane… Difficile de s’y retrouver dans les listes d’ingrédients de ces produits cosmétiques qui garnissent étagères et trousses de toilette. Le magazine 60 millions de consommateurs, édité par l’Institut national de la consommation (INC), a donc publié hier une étude sur 86 produits de plusieurs catégories d’utilisation, dentifrices, crèmes et gels de douche, vernis à ongle, crèmes hydratantes, fonds de teint, mousses à raser, l’accompagnant d’un « Cosméto'score » qui les évalue d’une échelle de A à E, de « sans réserve d’utilisation » à « utilisation fortement déconseillée, produit contenant trop de substances problématiques ».

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La revue 60 millions de consommateurs a épinglé plusieurs produits cosmétiques, y compris de marques très connues comme Dior, L'Oréal ou Carrefour, dans une étude testant 86 produits et publiée hier. © AFP / Archives Alain Jocard

Comment s’effectue la notation ? En fonction des ingrédients indiqués sur l’emballage et de leur impact sur la santé (70 % de la note) et sur l’environnement (30 %). « La place de l’ingrédient dans la composition du produit, comme la façon d’appliquer le produit, joue énormément dans la pondération de la note finale », a précisé lors d’une conférence de presse jeudi la rédactrice en chef de la revue, Sylvie Metzelard. Pour autant, cette notation n’est pas « une évaluation de dangerosité », a complété Emmanuel Chevalier, ingénieur à l’INC. « Il s’agit d’une évaluation des risques, et quand on parle d’un produit noté E, cela signifie que l’utiliser va augmenter la probabilité de développer une problématique pour la santé, ou que cela ait un impact sur l’environnement ». Mais « en cas de risque avéré et immédiat pour la santé, on n’aurait pas ces produits sur le marché », avait expliqué un peu plus tôt la chef de la rubrique Santé – Cosmétique du magazine, Adelaïde Robert. La Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA), qui représente les entreprises cosmétiques, s’est d’ailleurs empressée de rappeler dans un communiqué que « tous les produits cosmétiques vendus en France respectent la réglementation cosmétique européenne, qui est la plus stricte au monde ».

Inciter à « faire mieux »

« Tous les produits cosmétiques mis sur le marché en France sont sûrs, autorisés et contrôlés », martèle le président de la FEBEA, Patrick O’Quin, dans ce communiqué, ajoutant que les industriels « réalisent aussi en permanence des efforts considérables de recherche et de développement pour développer des produits toujours mieux tolérés, plus efficaces et respectueux de l’environnement ». 

« Inquiéter le consommateur avec des indicateurs fourre-tout, forcément anxiogènes, n’est pas la bonne méthode », estime encore Patrick O’Quin, la FEBEA, ajoutant que l’indice de 60 millions de consommateurs « mélange » données de santé, environnementales, allergènes ne concernant qu’une faible part des utilisateurs, ou encore les mauvais usages, par exemple des aérosols inflammables.

« L’idée de ces évaluations, c’est de pousser les industriels à faire mieux, parce qu’on voit bien que dans chaque famille de produits, il y en a qui s’en sortent bien » en proposant des produits expurgés de ces ingrédients problématiques, défend Adélaïde Robert, de 60 millions de consommateurs. Car acheter des produits de grands noms, ou arborant le label bio, n’est pas une garantie d’éviter les substances indésirables, estime le magazine. 

Et chaque catégorie de produits cosmétiques a ses ingrédients problématiques : pour les crèmes hydratantes, il s’agit par exemple des polymères, dont la fabrication est très polluante, ou des colorants dits azoïques, dont certains « sont potentiellement cancérogènes en plus d’être sensibilisants et irritants », écrit le magazine. Certains produits de douche, de marque Carrefour, Dop ou Weleda, contiennent de la coumarine, « suspectée d’être cancérogène-mutagène-reprotoxique », ou du Lilial (butylphényl méthylpropional), présent dans la crème Dove, « toxique pour la reproduction ». Certains dentifrices, « de marque Oral B, Sanogyl, Sensodyne, Signal, Vademecum ou Zendium », présentent quant à eux des traces de métaux lourds, comme le zinc et l’étain, « toxiques », explique le magazine. Ou du dioxyde de titane, qui « peut contenir des nanoparticules et est soupçonné d’être cancérogène ».

Globalement, le magazine appelle les consommateurs à repérer dans les listes d’ingrédients ceux à éviter autant que possible, comme le butylcarbamate d’iodopropynyle, allergisant, ou l’EDTA, irritant et « surtout très polluant pour l’environnement ». De quoi faire travailler sa mémoire, puisque le magazine en cite une grosse douzaine.