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Le télescope James Webb sur une image de la Nasa, avant son décollage pour aller explorer les confins de l’Univers © Nasa/AFP Chris Gunn

Le télescope spatial James Webb a franchi mardi une étape majeure pour la réussite de sa mission avec le déploiement complet de son bouclier thermique, un élément essentiel pour mener ses futures observations du cosmos. Même si de nombreuses opérations restent encore à réussir pour que l’observatoire soit fin prêt, le déploiement de ce pare-soleil était le « plus difficile » de la liste, a rappelé dans un communiqué Thomas Zurbuchen, responsable des missions scientifiques à la Nasa, en se félicitant de ce succès.

Le bouclier est composé de cinq couches chacune de la taille d’un terrain de tennis, destinées à protéger les instruments scientifiques de la chaleur de notre étoile. Elles ont été minutieusement dépliées et tendues une par une depuis lundi. Trop grand pour entrer tel quel dans une fusée, le télescope a en effet dû être plié sur lui-même comme un origami, et requiert d’être déployé dans l’espace lors de procédures ultra-périlleuses, que la Nasa évite en temps normal.

« C’est un jour très spécial », a tweeté l’astronome Klaus Pontoppidan, responsable scientifique pour James Webb. « Je crois qu’il est temps de réaliser que nous aurons peut-être bientôt un télescope spatial géant pleinement opérationnel. »

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Les caractéristiques du télescope James Webb, le successeur d’Hubble © AFP Jonathan Walter

James Webb est attendu par les astronomes du monde entier et doit permettre d’observer notamment les premières galaxies, formées quelques centaines de millions d’années seulement après le Big Bang. L’observatoire spatial, le plus puissant jamais conçu, a décollé il y a un peu plus d’une semaine de la Guyane française et est actuellement à plus de 900 000 kilomètres de la Terre. Il est toujours en route pour atteindre son orbite finale, à 1,5 million de kilomètres de nous – soit quatre fois la distance Terre-Lune.

A cet endroit, en cas de problème, aucune mission de réparation ne peut être envisagée. Son déploiement, piloté depuis Baltimore, sur la côte Est américaine, doit donc être réalisé sans aucun faux pas. Plus d’une centaine d’ingénieurs s’y relaient actuellement 24 h/24 pour s’assurer que tout se déroule comme prévu.

Soulagement

La Nasa a retransmis mardi matin l’événement en direct sur internet. Comme aucun appareil à bord ne peut prendre de photos de l’observatoire lui-même, les seules images disponibles étaient celles de la salle de contrôle des opérations, où les équipes chargées du déploiement ont applaudi de joie.

« L’ambiance était difficile à décrire. C’était un moment incroyable. Il y avait beaucoup de joie, beaucoup de soulagement », a déclaré à des journalistes Hillary Stock, en charge du déploiement du pare-soleil chez Northrop Grumman, partenaire de la Nasa. « Tout s’est passé sans problème », a-t-elle ajouté. Le bouclier mesure environ 20 mètres sur 14 et est conçu en forme de diamant. Ses couches, aussi fines qu’un cheveu, étaient auparavant pliées comme un accordéon, et sont désormais espacées de quelques dizaines de centimètres les unes des autres. Elles sont faites de kapton, un matériau choisi pour sa résistance à des températures extrêmes : la face la plus proche du Soleil pourra atteindre 125 °C, et la plus éloignée -235 °C.

Leur déploiement impliquait des centaines de poulies et de mètres de câbles afin de les guider, ainsi que des moteurs permettant de tendre chaque voile, depuis chaque coin du diamant. Lundi, les trois premières couches avaient été dépliées et tendues avec succès. Mardi matin, les équipes ont fait de même avec les deux dernières.

Prêt dans 5 mois et demi

Ce bouclier thermique est crucial car les instruments scientifiques de James Webb ne peuvent fonctionner qu’à des températures très basses et dans l’obscurité. La grande nouveauté de ce télescope est qu’il opérera en effet uniquement dans l’infrarouge proche et moyen, des longueurs d’ondes invisibles à l’œil nu.

Or pour pouvoir détecter les faibles lueurs venues des confins de l’Univers, il ne doit en aucun cas être perturbé par les radiations du Soleil, ou celles renvoyées par la Terre et la Lune. La prochaine étape est le déploiement des miroirs : d’abord le miroir secondaire, plus petit et placé au bout d’un tripode. Puis l’emblématique miroir principal, recouvert d’or et mesurant environ 6,6 mètres de diamètre, dont les deux côtés vont s’ouvrir l’un après l’autre. Cela pourrait être achevé dès lundi.

Une fois dans sa configuration finale, James Webb arrivera à sa destination, appelée point de Lagrange 2. Les instruments devront encore refroidir et être calibrés, et les 18 miroirs hexagonaux formant le miroir principal seront très précisément ajustés. Six mois après le décollage, le télescope sera alors enfin prêt à remonter aux origines de l’Univers, mais aussi à se mettre en quête d’environnements habitables, en dehors de notre système solaire.