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Une employée du laboratoire de biologie reproductive de l’hôpital Tenon module de conservation réfrigéré, le 24 septembre 2019 à Paris © AFP/Archives Philippe LOPEZ Retour sur la dépêche

L’Assemblée nationale a voté vendredi l’article du projet de loi bioéthique permettant l’autoconservation de gamètes pour des grossesses futures, au grand dam de la droite qui a dénoncé d’éventuelles pressions professionnelles et le risque de grossesses tardives. L’article 2 a été adopté par 39 voix pour et 5 voix contre.

« L’évolution de la société, la durée des études, l’inscription dans la vie active, la vie amoureuse, font que les femmes ont tendance à avoir des enfants de plus en plus tardivement et donc s’exposent à un risque d’infertilité », avait expliqué la ministre de la Santé Agnès Buzyn pour justifier cette mesure.

« L’âge de la première procréation, aujourd’hui de 28 ans et demi, est de cinq ans plus élevé qu’il y a une ou deux générations. Ceci, en partie pour des raisons professionnelles et personnelles, mais surtout en raison d’une contraception efficace », a rappelé le corapporteur du texte Jean-Louis Touraine (LREM). « Pour permettre à ces projets parentaux tardifs de pouvoir se réaliser, nous pouvons proposer aux femmes et aux hommes de conserver leurs gamètes afin qu’ils puissent différer leur projet d’enfant », a expliqué le secrétaire d’État Adrien Taquet en précisant que l’intention n’était « évidemment pas d’inciter les jeunes à le faire ».

L’autoconservation des gamètes était jusqu’alors très encadrée et autorisée pour des raisons médicales (cancers, endométriose...). Des députés de droite ont brandi le risque de pression des employeurs pour contraindre des femmes à repousser une grossesse, les risques médicaux liés aux grossesses tardives ou encore la constitution possible « d’un marché de la procréation ».

« Vous jouez aux apprentis sorciers. Demain, ce seront les entreprises qui programmeront les grossesses », a lancé Valérie Boyer (LR). La gauche a salué en revanche une avancée pour le droit des femmes à choisir. Pour éviter certains excès, le texte a prévu des limites d’âges qui seront définies par décret et la nécessité d’un consentement écrit, renouvelable et révocable. La durée de conservation a été limitée à dix ans.

« Notre projet prévoit une prise en charge par l’assurance maladie du recueil des gamètes, mais leur conservation sera à la charge des personnes et ne pourra être prise en charge par l’employeur », a souligné M. Taquet. L’Assemblée est aussi revenue sur un amendement voté en commission contre l’avis du gouvernement qui autorisait des établissements privés à but lucratif à réaliser prélèvement et conservation des gamètes. Seuls des établissements publics ou privés, mais à but non lucratif, pourront le faire.

Les députés ont également adopté un amendement trans-partisan prônant la mise en place d’un plan national de lutte contre l’infertilité qui, à l’image du plan cancer, inclurait des efforts en matière de recherche, la formation de professionnels de santé et une information auprès du grand public, en particulier des plus jeunes.

Dans la soirée, les députés ont entamé l’examen de l’article 3, autre article clef du projet de loi qui entend autoriser des personnes nées par assistance médicale à la procréation (AMP) à accéder aux données non-identifiantes ainsi qu’à l’identité de leurs donneurs de gamètes ou d’embryons. « Le secret des origines, le mensonge sur les conditions de la conception sont délétères. Pouvoir connaître la vérité, avoir la possibilité pour ceux qui le souhaitent d’avoir accès à l’identité de la personne qui a participé à leur venue au monde semble être un besoin fondamental pour ces personnes », a notamment plaidé Adrien Taquet.