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Ursula von der Leyen et le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans, à Bruxelles le 20 juillet 2022 © AFP John Thys

Limiter le chauffage de certains bâtiments, repousser la fermeture de centrales nucléaires, inciter les entreprises à réduire leurs besoins… Bruxelles a proposé mercredi un plan visant à diminuer de 15 % la demande européenne de gaz pour surmonter la chute des livraisons russes. 

Afin de passer l’hiver sans catastrophe majeure, la Commission européenne a préparé un arsenal de mesures permettant aux Vingt-Sept d’affronter une éventuelle rupture des approvisionnements russes – qui constituaient quelque 40 % de leurs importations gazières l’an dernier. « La Russie utilise le gaz comme arme. En cas d’interruption totale, l’Europe devra être prête », a déclaré la présidente de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen.

Les Vingt-Sept sont notamment suspendus au redémarrage du gazoduc Nord Stream, par lequel transite un tiers des livraisons de gaz russe à l’Union européenne (UE) et fermé depuis le 11 juillet pour une maintenance de routine. Moscou avait sabré de 60 % en juin ses livraisons via cette conduite. Or le président Vladimir Poutine s’est interrogé mercredi sur l’état d’une turbine du gazoduc réparée au Canada et actuellement en transit en Allemagne, après avoir laissé entendre que Nord Stream ne pourrait redémarrer qu’à 20 % de sa capacité. L’opérateur allemand Gascade a cependant assuré prévoir une reprise dès jeudi au niveau « d’avant la maintenance », soit 40 % des capacités.

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Graphique montrant l’évolution des réserves de gaz en Europe au 17 juillet © AFP Sylvie Husson

Face aux incertitudes sur les approvisionnements russes, le plan de Bruxelles – qui doit encore être validé par les Etats membres – prévoit que chaque pays devra « faire tout son possible » pour réduire, entre août 2022 et mars 2023, sa consommation de gaz d’au moins 15 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années sur la même période. Les Etats devront détailler d’ici à fin septembre leur feuille de route. Certains, comme la Finlande et les Pays-Bas, ont déjà atteint l’objectif. En cas de « risque de grave pénurie », Bruxelles voudrait pouvoir activer un mécanisme d’alerte – après consultation des Etats – qui rendrait « contraignante » pour les Vingt-Sept la réduction de 15 %.

Ce plan, qui sera examiné le 26 juillet par les ministres européens de l’énergie, fait l’objet de vives réserves de la part de plusieurs Etats, dont la Pologne et l’Espagne. « Nous nous opposerons à l’imposition d’obligations, en termes d’efforts, au-dessus de ce qui nous correspond », une mesure ni « juste » ni « efficace », a tonné la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera. 

Il faut « agir maintenant » pour ne pas devoir le faire « en urgence dans des circonstances bien plus catastrophiques », a cependant averti le vice-président de la Commission Frans Timmermans. Malgré un gonflement des importations gazières de Norvège, d’Azerbaïdjan ou d’Algérie et un triplement depuis mars des acheminements de gaz naturel liquéfié américain, les Européens redoutent un hiver difficile.

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Ursula von der Leyen lors de la présentation à Bruxelles, le 20 juillet 2022, du plan de l’UE pour réduire la consommation de gaz en vue de l’hiver © AFP John Thys

Mme von der Leyen a estimé possible de réduire la consommation annuelle de gaz dans l’UE de l’ordre de 45 milliards de m3. Pour comparaison, la Russie avait fourni en 2021 quelque 155 milliards de m3 aux Vingt-Sept. Environ 11 milliards de m3 pourraient être économisés via une baisse de chauffage ou de climatisation, avec des mesures contraignantes pour les bâtiments publics et commerciaux (un plan initial consulté par l’AFP suggérait d’y plafonner le chauffage à 19 degrés), ainsi que des campagnes de communication à destination des ménages pour les inciter à diminuer le thermostat de 1 degré.

Quelque 11 milliards pourraient encore être économisés en recourant davantage aux énergies renouvelables et 7,2 milliards en réduisant la consommation des industriels, qui a déjà flanché sous l’effet de la flambée des prix. Les « clients protégés » (ménages, services sociaux, hôpitaux, PME, dont l’approvisionnement est garanti) représentent moins de 37 % de la consommation totale de gaz. La Commission cible donc particulièrement la consommation des centrales électriques et de l’industrie.

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Ursula von der Leyen et le président azerbaïdjanais Ilham Aliev à Bakou, le 18 juillet 2022. L’UE va douber ses importations de gaz naturel depuis l’Azerbaïdjan © Azerbaijani presidency/AFP Handout

Pour la production électrique, « la priorité doit être donnée aux renouvelables, mais le recours au charbon, au pétrole, au nucléaire peut s’avérer nécessaire à titre temporaire », reconnaît Bruxelles, qui demande aux pays désireux de renoncer à l’atome civil de reporter leurs projets de fermeture de centrales nucléaires. Pour les industriels, le texte rappelle les solutions alternatives (passage à la biomasse ou au biométhane, électrification de certaines machines…) et propose aux Etats d’établir « des systèmes d’enchères » qui offriraient aux entreprises des « compensations » en échange d’une réduction de consommation. 

La Commission veut éviter les fermetures d’usines et la perte de machines pouvant être détruites en cas d’arrêt total, tout en préservant la production de biens essentiels (pharmacie…) et en aidant les secteurs aux marges de manœuvre réduites, comme la chimie qui utilise le gaz comme matière première. Une équation complexe : des réductions de production imposées aux entreprises « auraient des effets économiques désastreux et un impact souvent irréversible », a averti mercredi l’organisation patronale européenne BusinessEurope.