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Dans le futur parc national de Champagne et Bourgogne, près de Châtillon-sur-Seine © AFP/Philippe Desmazes

Le onzième parc national français va voir le jour aux confins de la Bourgogne et de la Champagne : consacré aux forêts de feuillus de plaine, sa création doit être officialisée cette semaine, marquant l’aboutissement d’une gestation de dix ans. « Ce territoire est à la fois très représentatif de la campagne et de la forêt françaises » et il est exceptionnel car « 80 % des arbres étaient déjà là à la Révolution », résume Hervé Parmentier, directeur du groupement d’intérêt public (GIP) chargé de mettre en place le parc.

Évoqué dès 2007 au Grenelle de l’environnement, le projet est lancé en 2009 par François Fillon, alors Premier ministre, qui dévoile le site retenu : ce sera le plateau de Langres, à cheval entre la Haute-Marne et la Côte-d’Or, et ses hêtres et ses chênes plus que centenaires.

Comme le parc national des calanques, créé en 2012 aux portes de Marseille, ce sera un parc « nouvelle génération ». Depuis une loi de 2006, une plus grande place y est accordée aux acteurs locaux « dans la création du parc, le développement économique, la gouvernance », fait valoir M. Parmentier. 

Car au-delà des espèces rares qu’il abrite comme le sabot de vénus (une orchidée), le narcisse des poètes, le chat sauvage ou encore la cigogne noire, ce territoire a aussi été façonné, depuis l’Âge de fer, par la présence humaine. Berceau des Templiers et d’ordres monastiques comme les Cisterciens, la région a aussi été marquée par la métallurgie au 19e siècle. Des abbayes, d’anciennes forges et de nombreux vestiges archéologiques font partie du patrimoine protégé.

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Des chevaux et des vaches dans un pré du futur parc © AFP/Philippe Desmazes

Son périmètre maximal de plus de 250 000 hectares recouvre 127 communes, peuplées de 28 000 habitants. « On a cherché le point d’équilibre » entre protection environnementale et activités humaines, qui continueront d’être pratiquées mais seront encadrées, explique le directeur du GIP.

Il a ainsi fallu convaincre les chasseurs, les exploitants forestiers ou encore les agriculteurs, qui aiment à rappeler que, depuis longtemps déjà, ils prennent soin de ce territoire. Les discussions ont parfois été âpres.

« Les agriculteurs ont eu l’impression de ne pas avoir été écoutés », lance Thierry Ronot, éleveur laitier à Lucey et représentant local du syndicat agricole FNSEA, se faisant l’écho des craintes d’une profession en crise.

Il souligne notamment que certaines exploitations possédant des terres en « cœur de parc », zone davantage réglementée de plus de 56 000 hectares, subiront des contraintes supplémentaires sans compensation financière. « Aujourd’hui le parc va se faire ; on va essayer de travailler avec », commente-t-il. 

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Paul Brossault, de l’Office national des forêts, parcourt la forêt du futur parc national © AFP/Philippe Desmazes

Les exploitants forestiers, de leur côté, s’inquiètent d’une perte qu’ils estiment de 20 à 25 % du volume de bois exploitable dans les forêts domaniales, notamment dans les 3 100 hectares de la « réserve intégrale », où la protection est la plus forte.

Concession aux opposants, le GIP a accepté de réduire la superficie du cœur de parc, pour n’y conserver que les zones ayant « un intérêt fort en termes de protection et un intérêt patrimonial », répond Hervé Parmentier. Et le parc sanctuarisera les bonnes pratiques existantes plutôt que d’imposer ses méthodes.

Le cœur et la réserve intégrale seront définis par décret. Les communes disposeront de quatre mois pour adhérer – ou non – au parc, qui génèrera 30 emplois directs et disposera d’un budget de 3 à 3,5 millions d’euros.

Les habitants sont, pour la plupart, « dans les starting-blocks », affirme le directeur du GIP. Les trois quarts des communes ont, selon lui, fait part de projets liés au parc, qui peut apporter une réponse « aux problèmes économiques du territoire », notamment en dopant le tourisme, dit-il. Objectif : passer de 30 000 à au moins 100 000 visiteurs annuels en deux à trois ans.

Pour y parvenir, il faudra créer des infrastructures, « notamment des hébergements », prévient Philippe Gillot, directeur de l’office de tourisme du pays de Langres.

Les professionnels du secteur espèrent que le parc signera « la reconnaissance de la qualité de ce territoire », une sorte de « label » pour son tourisme vert, ajoute M. Gillot. Avec un atout de taille : celui d’être le parc national le plus proche de la région parisienne.