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Emmanuelle Charpentier, Nobel de chimie 2020, à Berlin le 7 octobre 2020 © AFP/Archives Odd ANDERSEN

Aider les chercheurs en sciences de la vie en milieu de carrière : telle est la mission d’un nouveau programme de soutien financier, Impulscience, de la fondation Bettencourt Schueller, parrainé par la Nobel de chimie, la Française Emmanuelle Charpentier.

Le but ? Permettre aux chercheurs de poursuivre leurs travaux « à haut niveau et de rester dans la recherche fondamentale », dit à l’AFP la microbiologiste et généticienne, distinguée en 2020 pour son invention d’une technique d’édition du génome.

Ce soutien en milieu de carrière est aussi important que celui apporté aux jeunes, plus fréquent. « J’ai vu beaucoup de collègues qui, après avoir monté leur propre équipe, n’avaient d’autre choix que d’abandonner la recherche fondamentale et quitter le système académique », faute de financements, a précisé Emmanuelle Charpentier avant la cérémonie mardi à l’Institut de France.

Impulscience a récompensé sept lauréats actifs dans les sciences de la vie. Leur projet sera financé à hauteur de deux millions d’euros chacun sur cinq ans, avec une prime individuelle.

Le conseil scientifique de la fondation s’est reposé sur la sélection du Conseil européen de la recherche (ERC), qui accorde un financement d’ordre similaire à des chercheurs d’exception. Les lauréats ont été choisis parmi les chercheurs qui ont franchi toutes les étapes, mais qui n’ont au final pas obtenu le financement espéré à cause des limitations budgétaires européennes.

L’ERC est devenu « en quelques années le nouveau standard incontesté de l’excellence », selon Olivier Brault, directeur général de la fondation Bettencourt Schueller.

Parmi les sept lauréats, figurent Amaury François (neurosciences), Malene Jensen (biologie, de l’Institut de biologie structurale de Grenoble), ou encore Martin Lenz (travaux sur des maladies telles que Alzheimer, du CNRS).

Ils ont tous moins de 50 ans et œuvrent dans des laboratoires publics en France - un des critères. Les lauréats peuvent être français ou étrangers. 

Les meilleurs chercheurs « ont trop souvent du mal à financer leurs projets, au-delà des périodes initiales bien accompagnées par de nombreuses institutions », selon Olivier Brault.

Les scientifiques et institutions français sont bien représentés dans la catégorie des subventions accordées par l’ERC à de jeunes chercheurs, derrière l’Allemagne, mais ils sont souvent à la cinquième ou sixième place pour les subventions accordées à des chercheurs « seniors » - avec au moins dix ans de travaux remarquables derrière eux.  

Selon Emmanuelle Charpentier, la réticence à postuler aux contrats de l’ERC peut être liée à des contraintes pratiques, comme « l’impossibilité de s’étendre au niveau de l’espace du laboratoire ». Mais aussi à « une peur de l’échec ». 

La Française s’inquiète de voir « un nombre croissant » de jeunes scientifiques « qui ne souhaitent plus rester dans le milieu académique », en raison du manque de moyens et de la « nécessité de tout faire tout seul ».

Comme un entrepreneur, le chercheur doit « trouver l’argent, gérer des personnes et un budget, et organiser un laboratoire avec les équipements ». Autant de tâches auxquelles les jeunes ne sont pas forcément préparés. Il faut aussi offrir un soutien logistique. « En France et dans d’autres pays européens, on a oublié l’importance de ce soutien », point fort des universités américaine, dit la Nobel de chimie.