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Des participants à une "marche pour le climat" à Nantes, le 9 mai 2021 © AFP/Archives Sebastien Salom-Gomis

Il n’y aura pas de référendum pour inscrire le climat dans la Constitution, dans la lignée des propositions de la Convention citoyenne : l’exécutif a enterré mardi le projet de révision, faute d’accord entre Assemblée et Sénat. Lundi, le Sénat à majorité de droite avait adopté en deuxième lecture une formulation différente de celle votée par l’Assemblée autour de l’inscription dans la Loi fondamentale de la préservation de l’environnement.

Et c’est lors de la séance des questions au gouvernement, mardi au Palais Bourbon, qu’a sonné le glas : « Ce vote met hélas un terme au processus de révision constitutionnelle dont nous continuons à penser qu’il était indispensable à notre pays », a lancé le Premier ministre Jean Castex, rappelant la constitution qui prévoit que le texte doit être adopté en des termes identiques par députés et sénateurs. La majorité sénatoriale « sacrifie l’urgence climatique sur l’autel d’intérêts partisans et politiciens », venait de critiquer Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur LREM du texte.

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Le député français LREM Pieyre-Alexandre Anglade à l’Assemblée nationale à Paris, le 5 mars 2019 © AFP/Archives Jacques Demarthon

Cette annonce signe l’échec pour la deuxième fois sous ce quinquennat d’une réforme constitutionnelle, après celle sur les institutions, avortée après l’affaire Benalla en 2018. Une source gouvernementale relativise, après l’abstention record aux régionales : « Les Français ne sont pas totalement concernés par le climat » en pleine crise sanitaire et le référendum n’aurait pas fait le plein. Il s’agissait initialement d’inscrire à l’article 1er, qui pose les principes fondateurs de la République (égalité, laïcité...), que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Devant les membres de la Convention citoyenne sur le climat (CCC), Emmanuel Macron avait annoncé en décembre vouloir soumettre ce projet à référendum.

Bataille de mots

Or les deux chambres se sont livrées à une bataille de mots débouchant sur une impasse. Le Sénat a réécrit en mai le projet de loi constitutionnelle, s’opposant au terme « garantir » voulu par le chef d’État, qui instituerait une « quasi obligation de résultat ». La majorité à l’Assemblée a alors dit faire « un pas », en remplaçant en deuxième lecture le verbe « lutter » par le verbe « agir ». Mais las, malgré les appels solennels de la majorité, les sénateurs ont adopté lundi une formulation excluant toujours le terme « garantit ».

La République française « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 », adoptée sous Jacques Chirac, ont-ils suggéré.

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La ministre française de la Transition écologique Barbara Pompili sur le perron de l’Élysée à Paris, le 9 juin 2021 © AFP/Archives Ludovic Marin

La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a dit sa « consternation », fustigeant « des climato-inactifs », « des climato-résignés ». La navette parlementaire aurait pu se poursuivre, mais le temps était compté, à moins d’un an de la présidentielle. Et « il ne s’agit pas de consulter les Français sur une formule tarabiscotée ou édulcorée », fait valoir le rapporteur Anglade.

De son côté, le président LR de la commission des Lois du Sénat François-Noël Buffet s’est ému de « propos extrêmement désagréables à l’égard du Sénat » qui « bloquerait le système ». Le président du Sénat Gérard Larcher, tout en se disant prêt à aborder la question « de manière ouverte et positive », avait posé une « ligne rouge » au démarrage des discussions : « pas de société de décroissance ».

La gauche au Palais du Luxembourg a renvoyé dos à dos gouvernement et droite sénatoriale. « Les torts sont partagés entre LREM et LR. Chacun à joué sa partition aux dépens de l’intérêt général », a affirmé l’écologiste et ex-LREM Matthieu Orphelin. Pour lui, « si le gouvernement le voulait, il aurait pu démarrer bien plus tôt et organiser une concertation ».

Le socialiste Éric Kerrouche a pointé « des débats de pharisiens où chacun feint de chercher un compromis dans un jeu de poker menteur ». Pour l’écologiste Guy Benarroche, « l’enterrement » était « prévisible, préparé, prémédité ». De la suppression de certaines lignes aériennes intérieures à l’interdiction de location des logements passoires thermiques, une partie des 146 autres propositions de la Convention citoyenne font l’objet d’un projet de loi distinct « climat et résilience ». Peu de chances que députés et sénateurs trouvent un compromis sur ce texte aussi, mais les premiers auront là le dernier mot.