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Une technicienne étudie le génome du Covid-19 et de ses variants à l'Institut Pasteur, le 21 janvier 2021 à Paris © AFP/Archives Christophe Archambault

Variants, mutations... À la fois anxiogènes et très techniques, ces termes sont parfois source de confusion pour le grand public. Le point sur ce qu’on en sait et sur ce que cela implique pour la pandémie de Covid-19.

Combien de variants ?

À ce stade, trois sont considérés comme des « variants préoccupants », selon la dénomination officielle de l’OMS : ceux qui ont d’abord été détectés en Angleterre, en Afrique du Sud et au Japon (mais sur des voyageurs venant du Brésil, d’où son nom commun de « variant brésilien »). Ils circulent respectivement dans 125, 75 et 41 pays, selon le dernier point de l’OMS. Ils appartiennent à cette catégorie à cause de leur transmissibilité et/ou leur virulence accrues, qui aggravent l’épidémie et la rendent plus difficile à contrôler, selon la définition de l’OMS.

La catégorie juste en dessous est celle des « variants d’intérêt », dont les caractéristiques génétiques potentiellement problématiques justifient une surveillance. Pour l’instant, l’OMS en retient trois, initialement repérés en Écosse, aux États-Unis et au Brésil. Enfin, de nombreux autres variants circulent, que la communauté scientifique cherche à repérer et évaluer. « Les semaines et les mois à venir nous diront s’ils entrent dans la catégorie des variants très inquiétants qui se diffusent très vite, ou s’ils vont rester des variants qui circulent à bas bruit », explique Etienne Simon-Lorière, responsable de l’unité de génomique évolutive des virus à ARN à l’Institut Pasteur (Paris).

Tous ces variants sont classés par famille, ou « lignée ». Selon les mutations qu’ils ont acquises, ils occupent une place précise dans l’arbre généalogique du virus SARS-CoV-2 d’origine.

Quelles conséquences ?

En soi, l’apparition de variants est tout sauf une surprise : c’est un processus naturel puisque le virus acquiert des mutations au fil du temps, pour assurer sa survie. « Plus de 4 000 variants du SARS-CoV-2 ont été identifiés à travers le monde », expliquent ainsi les services de santé britannique sur leur site internet.

« La plupart n’ont pas d’impact en termes de santé publique », souligne l’OMS. Tout dépend en effet des mutations qu’ils portent. Ainsi, c’est une mutation appelée N501Y, commune aux variants anglais, sud-africain et brésilien, qui est soupçonnée de les rendre plus transmissibles. Et les variants sud-africain et brésilien portent une autre mutation, E484K, suspectée d’amoindrir l’immunité acquise soit par une infection passée (avec donc une possibilité accrue de réinfection), soit par les vaccins.

Pour le grand public, difficile de s’y retrouver, d’autant que ces variants ont des noms très techniques, sans harmonisation internationale. Par exemple, le variant anglais s’appelle 501Y.V1 ou VOC202012/01 et appartient à la lignée B.1.1.7. Les termes « variants anglais, sud-africain ou brésilien » sont donc plus compréhensibles pour le grand public, mais les scientifiques ne les aiment guère, car ils les jugent stigmatisants pour les pays.

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Pays d'Europe ayant recensé des cas de variants britannique, sud-africain et brésilien, selon des données de l'OMS au 23 mars © AFP Bertille Lagorce

Plus contagieux ?

Il y a un consensus sur ce point au sujet des trois « variants préoccupants ». Mais cela ne s’appuie pour l’instant que sur des données épidémiologiques : les chercheurs observent à quelle vitesse ces variants se propagent et en déduisent à quel point ils sont plus contagieux. Cela ne permet donc pas d’avoir un chiffre catégorique, puisque les résultats peuvent varier selon les mesures de restriction en place dans les régions concernées.

Par exemple, sur la base des différentes études, l’OMS juge que le variant anglais est 36 % à 75 % plus contagieux. Plusieurs équipes de chercheurs dans le monde sont en train d’analyser les caractéristiques biologiques de ces variants, dans l’espoir de savoir pourquoi ils sont plus contagieux. « Il y a des hypothèses à étudier : peut-être que la charge virale est plus élevée, que le variant peut entrer plus facilement dans les cellules ou qu’il se multiplie plus vite », déclare Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et Immunité à l’Institut Pasteur, qui dirige l’une de ces équipes.

Des chercheurs de l’université américaine de Harvard ont émis une autre hypothèse. Selon eux, l’infection provoquée par le variant anglais pourrait durer plus longtemps : un individu infecté resterait contagieux pendant une plus grande période qu’avec le coronavirus classique, ce qui pourrait donc nécessiter d’allonger la période d’isolement. Mais ce type de recherches prend du temps, et il faudra encore plusieurs semaines, voire mois pour avoir des réponses définitives.

Plus dangereux ?

Cela semble être le cas pour le variant anglais. Une étude publiée le 10 mars conclut qu’il est 64 % plus mortel que le coronavirus classique. Pour 1 000 cas détectés, le variant anglais provoque 4,1 morts, contre 2,5 pour le coronavirus classique, conclut cette étude publiée dans la revue médicale BMJ. Elle confirme de premières observations faites fin janvier par les autorités britanniques.

Par ailleurs, en s’appuyant sur d’autres travaux menés en Afrique du Sud, l’OMS estime que le variant sud-africain « augmente de 20 % le risque de décès à l’hôpital ».

Quelle efficacité des vaccins ?

Selon plusieurs études in vitro, l’efficacité des vaccins n’est pas sensiblement réduite par le variant anglais, mais semble l’être par les variants sud-africain et brésilien, à cause de la fameuse mutation E484K. Toutefois, même si les vaccins sont moins efficaces contre certains variants, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont plus efficaces du tout.

Par ailleurs, ces études se focalisent sur une seule réponse de l’organisme après la vaccination, la production d’anticorps : « Elles n’évaluent pas d’autres types d’immunité potentielle, telle que l’activité des lymphocytes T et B », soulignent des spécialistes américains, dont l’expert gouvernemental Anthony Fauci, dans un article récemment publié par la revue spécialisée Jama.

Quoi qu’il en soit, les fabricants travaillent à de nouvelles versions de leur vaccin, adaptées aux variants. Moderna a ainsi annoncé le 10 mars qu’il avait commencé à injecter des vaccins de nouvelle génération à de premiers patients, dans le cadre d’un essai clinique destiné à évaluer leur efficacité contre le variant sud-africain. Cette adaptation est indispensable, car « des variants contre lesquels les vaccins actuels pourraient être moins efficaces (...) vont probablement continuer à émerger », met en garde le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).