Image légendée
Trajectoire de récepteurs diffusant dans la membrane et s’accumulant aux synapses © Patrick Delapierre/Inserm

Événement plutôt rare chez l’adulte, la production de nouveaux neurones est cantonnée à deux régions particulières du cerveau, situées dans l’hippocampe et la zone sous-ventriculaire. Mais une équipe Inserm/CEA vient de montrer que la production de neurones se produit aussi… dans les tumeurs. En 2013, Claire Magnon, responsable du laboratoire Cancer et Microenvironnement (institut de biologie François Jacob) avait déjà observé que la progression du cancer de la prostate était associée à l’infiltration de fibres nerveuses issues de prolongements d’axones – prolongements du corps cellulaire des neurones – déjà existants. 

Restait à résoudre la question de la neurogenèse tumorale, c’est-à-dire de la provenance de ces neurones dans les tumeurs. Pour y répondre, Claire Magnon a étudié les tumeurs de 52 patients atteints de cancer de la prostate. Elle y a découvert des cellules exprimant une protéine, la doublecortine (DCX), qui est exprimée lors du développement embryonnaire mais aussi chez l’adulte, dans les deux zones du cerveau où les neurones se renouvellent. Elle a aussi noté une corrélation intéressante : dans les tumeurs étudiées, la quantité de cellules DCX+ est corrélée à la sévérité du cancer. 

Image légendée
Coupe histologique de cellules tumorales du pancréas provenant de malades humains, greffées chez des souris pour être étudiées © Juan Iovanna/Inserm

Claire Magnon a ensuite poursuivi ses recherches sur des souris transgéniques porteuses de tumeurs. Elle a constaté que, avec le développement d’une tumeur, la quantité de cellules DCX+ présentes dans la zone sous-ventriculaire du cerveau diminuait : « Il y avait deux explications, explique la chercheuse, soit les cellules DCX+ mouraient dans cette région sans qu’on en connaisse la cause, soit elles quittaient cette zone, ce qui pouvait expliquer leur apparition au niveau de la tumeur ».

Une série supplémentaire d’expériences a montré que cette seconde hypothèse est la bonne : les cellules DCX+ de la zone sous-ventriculaire du cerveau passent en effet dans la circulation sanguine pour rejoindre la tumeur. Ce qui soulève une nouvelle question : pour emprunter les voies sanguines, les cellules DCX+ parviennent à traverser la barrière hématoencéphalique du cerveau, c’est-à-dire la membrane qui sépare la circulation sanguine du liquide céphalo-rachidien – et qui est en théorie infranchissable – grâce à des anomalies de perméabilité. « Rien ne permet pour l'instant de savoir si ce problème de perméabilité précède l’apparition du cancer sous l’effet d’autres facteurs, ou si elle est provoquée par le cancer lui-même, via des signaux issus de la tumeur en formation », précise la chercheuse. Reste à confirmer également si ce sont les cellules DCX+, une fois dans la tumeur, qui entraînent son développement.

Les applications d’une telle découverte sont essentielles : « L’étude de ce réseau nerveux dans le micro-environnement tumoral pourrait apporter des réponses sur le pourquoi des résistances à certains traitements et favoriser le développement de nouveaux médicaments ».