Quels sont les effets des pesticides sur les pollinisateurs ? L’atrazine, un herbicide interdit dans l’Union européenne depuis 2003, reste extrêmement répandue dans le monde, notamment aux États-Unis. Une équipe de chercheurs américains vient de mettre en évidence que ce pesticide induit des changements dans la composition du microbiote des guêpes. Des changements qui rendent d’ailleurs ces guêpes résistantes à l’atrazine elle-même ! Et cela, sur plusieurs générations.

Robert Brucker, chercheur à l’Université de Harvard et co-auteur de cette étude, revient sur les raisons qui l’ont incité, lui et ses collègues, à étudier le microbiote des guêpes : « La flore microbienne présente dans la terre et l’eau change après que l’atrazine y ait été répandue ». Un constat simple qui a conduit les chercheurs à se demander si certains pollinisateurs pouvaient également être impactés par cet herbicide.

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Une guêpe Nasonia vitripennis / Image : M. E. Clark

L’équipe a alors exposé des guêpes Nasonia vitripennis à 300 ppm d’atrazine (environ 300 µg/l), correspondant à la concentration généralement pulvérisée aujourd’hui dans les champs traités avec ce pesticide. Bilan : le microbiote des insectes est fortement perturbé ; on y observe notamment une augmentation de la diversité microbienne et du nombre de bactéries.

Les expériences ont été répétées, avec différentes concentrations d’atrazine, sur 36 générations, pendant un peu plus de 2 ans. Et à chaque fois, les chercheurs ont observé un changement de la composition microbienne intestinale. Plus déroutant encore : ces changements sont transmis de génération en génération, même si les guêpes n’ont jamais été confrontées à l’atrazine.

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Bactéries Serratia marcescens / Image : Wikimedia commons

Parmi ces changements, les chercheurs ont noté la présence plus forte de deux bactéries, Serratia marcescens et Pseudomonas protegens. « Nous nous sommes rendus compte que ces deux bactéries ont la capacité de transformer l’atrazine et d’autres produits agrochimiques à l’intérieur même de l’animal, leur procurant ainsi une résistance contre ces composés »explique R. Brucker. Des caractéristiques qui semblent prometteuses pour la survie des guêpes, mais que le chercheur tempère : « On ne sait pas si ces changements de composition de la flore microbienne ont un impact positif ou négatif sur le long terme. Par exemple, Serratia marcescens peut être utilisée comme probiotique à faible dose et réduire la toxicité de l’atrazine, mais une trop forte concentration de cette bactérie peut entraîner une réponse immunitaire de l’hôte, voire la mort de ce dernier ».

L’équipe américaine poursuit son étude et en est aujourd’hui à la 103e génération de guêpes. Elle cherche à savoir s’il y a une co-évolution entre le génome de l’hôte et les modifications de son microbiote. Plus concrètement, cette étude permettrait d’envisager l’utilisation de bactéries en tant que probiotiques chez les pollinisateurs, dans le but de les rendre résistants aux pesticides.