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Macaque à queue de cochon dévorant un rat dans une plantation de palmier à huile en Malaisie © Anna Holzner

La reconversion de forêts tropicales en plantations de palmiers à huile réduit l’habitat de nombreuses espèces. Toutes n’ont cependant pas dit leur dernier mot. Ainsi, confronté au déclin de son habitat naturel, le macaque à queue de cochon (Macaca nemestrina), une espèce répandue dans les forêts de Malaisie, réalise des incursions dans les plantations de palmier à huile proches pour y trouver de quoi manger.

Mais c’est en l’étudiant de plus près que des chercheurs de l’université de Leipzig et de l’institut Max Planck pour l’évolution ont découvert que ce singe ne mérite pas, loin s’en faut, sa réputation de pilleur de cultures.

Un article paru dans la revue Current Biology le 21 octobre 2019 montre en effet que les pertes de production qui lui sont imputées – parce qu’il mangerait ou endommagerait les fruits du palmier – sont mineures. Surtout, ces singes se nourrissent de rats, le principal ravageur des plantations !

Une espèce vulnérable

L’équipe scrute depuis 2013 le comportement de cette espèce de macaque classée comme vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans la réserve forestière de Segari Melintang, en Malaisie, et les plantations avoisinantes.

Leur régime alimentaire inclut une grande quantité de fruits du palmier à huile, avec près de 12 tonnes par an pour les deux groupes étudiés de janvier 2016 à septembre 2018, mais cela ne représente que 0,6 % de la production d’huile de la plantation. 

Mais c’est un autre constat qui provoque la surprise des chercheurs. Connu pour être essentiellement frugivore, même s’il se régale de temps en temps de petits oiseaux ou de lézards, ce singe chasse aussi... des rats. « En défrichant les cavités dans les troncs de palmiers à huile où les rats s’abritent pendant la journée, un groupe de macaques peut capturer plus de 3000 rats par an », déclare l’auteure principale de l’étude, Anna Holzner.

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Deux macaques en quête de rats cachés dans les troncs de palmiers à huile © Anna Holzner

Une alternative aux rodenticides

Selon les données obtenues, les rats causent beaucoup plus de dommages aux plantations que les macaques, avec une perte estimée à 10 % de la production annuelle. Soit, en Malaisie, une perte monétaire d’environ 930 millions de dollars par an.

Les singes peuvent réduire de plus de 75 % le nombre de rats, estime l’équipe. 

« Nos résultats encourageront les propriétaires de plantations privées et publiques à envisager la protection de ces primates et de leur habitat forestier naturel à l’intérieur et autour des plantations de palmiers à huile », espère Anja Widdig, auteure de l’étude.

Considéré comme un animal bénéfique pour les plantations, le macaque pourrait remplacer les méthodes conventionnelles comme les rodenticides, coûteuses et largement inefficaces, et nocives pour la faune non ciblée et l’environnement.

Objectif visé par l’équipe : collaborer avec les sociétés d’huile de palme et les ONG locales pour concevoir un système de plantation qui maintienne des populations de macaques viables tout en favorisant le développement d’une biodiversité via des corridors fauniques entre forêt et plantations. 

« Cela peut conduire à une situation gagnant-gagnant pour la biodiversité et l’industrie du palmier à huile », concluent de façon pragmatique les chercheurs.