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© AFP/ JF MONIER

Des traces de glyphosate ont été retrouvés dans les urines de la quasi-totalité d'un échantillon de plus de 6500 volontaires, selon une étude réalisée à l'occasion d'une campagne de plaintes en justice en France contre cet herbicide très controversé.

L'étude, parue dans Environmental Science and Pollution Research, a été réalisée sur 6848 personnes, habitant dans 83 départements de France métropolitaine et à la Réunion.

Ces volontaires ont été recrutés via l'association "Campagne Glyphosate", qui milite contre ce désherbant classé "cancérogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) mais autorisé en Europe.

Les prélèvements ont été réalisés entre juin 2018 et janvier 2020, en grande majorité sous contrôle d'huissier en vue d'une action en justice. Ils ont été analysés au fur et à mesure par un laboratoire allemand, Biocheck.

Résultat, du glyphosate a été détecté dans 99,8% des 6795 échantillons exploitables, à "un niveau moyen de 1,19  µg/L".

Dans des données de surveillance publiées en octobre 2019, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) soulignait que des quantités de glyphosate de l'ordre de 1 µg/L dans les urines correspondent à une exposition inférieure à 1% de la dose journalière admissible (valeur sanitaire de référence pour les risques de toxicité chronique).

Les auteurs de cette nouvelle étude montrent que les échantillons prélevés au printemps et en été, saison de traitements phytosanitaires, présentent des "niveaux significativement plus élevés". Les agriculteurs, notamment "travaillant dans un environnement viticole", ont également des niveaux "significativement plus élevés".

Les niveaux sont également plus hauts chez les hommes et les participants les plus jeunes, les personnes consommant régulièrement de l'eau du robinet ou de source, les fumeurs, les consommateurs de bière ou de jus de fruits.

Les personnes déclarant manger "plus de 85% d'aliments bio" présentent en revanche des niveaux inférieurs.

Les auteurs soulignent que leur échantillon n'est pas représentatif de la population générale, étant plus âgé, plus féminin et sur-représentant sans doute les "citoyens sensibilisés aux enjeux des pesticides et à un mode de vie sain".

Mais pour eux sa taille rend l'analyse pertinente, d'autant que "nos résultats confirment la quasi-totalité des autres études internationales", tout en se situant "plutôt dans la partie haute" des niveaux trouvés, relève Denis Lairon, directeur de recherche émérite à l'INSERM et un des auteurs. Il se dit toutefois "surpris de voir une contamination quasi-systématique".

La campagne de prélèvements s'est accompagnée de plus de 5800 plaintes individuelles par les participants sur la base des résultats positifs, notamment pour "mise en danger de la vie d'autrui", regroupées au pôle santé publique du tribunal de Paris, selon "Campagne glyphosate".

"Cette analyse extérieure par des scientifiques vient faire avancer le dossier," se félicite Guillaume Tumerelle, avocat accompagnant Campagne glyphosate.

Emmanuel Macron s'était engagé en novembre 2017 pour une interdiction du glyphosate "au plus tard dans trois ans". Il a reconnu avoir échoué, tout en plaidant un échec "collectif".