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©Tony C. French/Getty images

Des chercheurs autrichiens dévoilent une facette étonnante d’un ruminant pourtant familier, la vache : son estomac pourrait en effet recycler nos déchets plastiques, et ce, grâce à des bactéries capables de les digérer…

Le plastique, reconnu comme source importante de pollution sur terre et dans l’eau, se décompose difficilement. Parmi les nombreuses pistes étudiées pour y remédier figurent certains micro-organismes – bactéries ou champignons. Grâce aux enzymes qu’ils excrètent, ceux-ci peuvent utiliser les polymères et leurs produits de dégradation comme source de carbone et d’énergie. Ce qui fait qu’ils sont actuellement une des ressources envisagées dans le développement de processus de dégradation et de recyclage écodurable du plastique.

C’est dans ce contexte que les biologistes ont choisi d’explorer la piste bovine. En effet, une énorme communauté microbienne vit dans le réticulum du rumen – un des compartiments qui composent l’estomac d’une vache, un pré-estomac – où l’aliment ingéré est soumis à une dégradation microbienne avant la véritable digestion animale.

Certaines réactions chimiques produites par l’écosystème du rumen sont bien connues, alors que d’autres dégradant les polymères comme des polyesters végétaux naturels faisant partie du régime alimentaire des herbivores restaient sous-explorées. « Nous avons donc soupçonné que certaines activités biologiques pourraient également être utilisées pour l’hydrolyse du polyester, un type de réaction chimique dans le rumen qui entraîne la décomposition », déclare Doris Ribitsch, de l’Université des ressources naturelles et des sciences de la vie à Vienne, co-auteur de l’étude. Une interrogation qui a amené les scientifiques à explorer la capacité de la communauté microbienne du rumen à dégrader le polyester.

Doris Ribitsch et ses collègues ont décidé d’examiner trois types de polyesters. L’un, le polyéthylène téréphtalate, communément appelé PET, est un polymère synthétique couramment utilisé dans les textiles et les emballages. Les deux autres sont constitués d’un plastique biodégradable souvent utilisé dans des sacs plastiques compostables (polybutylène adipate téréphtalate, PBAT), et d’un matériau biosourcé (polyéthylène furanoate, PEF) fabriqué à partir de ressources renouvelables. Les plastiques – sous forme de poudre et de film – ont alors été confrontés aux micro-organismes obtenus grâce à du liquide de rumen provenant d’un abattoir autrichien.

Avec quelle efficacité le plastique se décompose-t-il ?

Leurs résultats, publiés dans Frontiers in Bioengineering and Biotechnology le 2 juillet 2021, montrent que les trois plastiques peuvent être décomposés par les micro-organismes des estomacs des vaches, les poudres plastiques se décomposant plus rapidement que le film plastique.

En comparant avec des expériences menées sur des micro-organismes isolés, l’équipe met en avant que le liquide du rumen est plus efficace, du fait d’une combinaison des enzymes possédant « une forme d’avantage synergique ».

Certes, l’expérience n’a pas encore dépassé le stade du laboratoire, mais selon Doris Ribitsch, « en raison de la grande quantité de rumens qui s’accumulent chaque jour dans les abattoirs, une mise à l’échelle serait facile à imaginer ». Néanmoins, les applications concrètes ne sont pas pour demain, préviennent les chercheurs, car ils existent des freins comme le coût prohibitif, dus aux équipements de laboratoires et aux études préalables à ce type de recherche.

Cependant, les chercheurs insistent sur le potentiel qu’offrent ces communautés microbiennes en tant que ressource respectueuse de l’environnement pour lutter contre la pollution plastique.