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Médicaments homéopathiques photographiés le 31 août 2018 © AFP/Archives LOIC VENANCE

L’homéopathie ne sera plus remboursée par la sécurité sociale d’ici à un an et demi, a tranché mardi le gouvernement, se rangeant ainsi à l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) qui avait conclu à l’absence d’efficacité avérée de ces produits pharmaceutiques.

Dès le 1er janvier, les petites granules aujourd’hui remboursées à 30 % ne le seront plus qu’à 15 %, puis ce taux tombera à zéro en 2021, a-t-on appris mardi auprès du ministère de la Santé. Une décision en deux temps qui ne satisfait ni laboratoires, ni les « anti-homéopathie ». Cette « période de transition » permettra de « se laisser le temps de la pédagogie » auprès des patients et « laissera aussi le temps aux industriels de s’organiser », a plaidé la ministre de la Santé Agnès Buzyn dans un entretien au Parisien.

La ministre adresse donc une fin de non-recevoir aux laboratoires qui avaient plaidé pour un « moratoire » sur la question du remboursement et pour un « débat parlementaire » après la publication fin juin de l’avis scientifique accablant de la HAS. Cet organisme chargé d’évaluer les médicaments avait conclu que les produits homéopathiques n’avaient « pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d’un remboursement ».

« Pratique populaire »

Avant même l’annonce officielle, le groupe Boiron a dénoncé mardi soir une décision « incompréhensible et incohérente ». Le leader mondial de l’homéopathie, qui a son siège dans la région de Lyon, a demandé à être reçu « en urgence » par le président de la République, affirmant qu’il ferait « tout pour combattre » une décision « qui va à l’encontre d’une pratique éminemment populaire ».

Disant assumer le caractère « impopulaire » de cette mesure, Mme Buzyn souligne que le déremboursement n’empêchera pas les médecins de continuer à prescrire de l’homéopathie ni les Français d’en acheter. L’« année transitoire » permettra d’« accompagner les professionnels de santé qui en prescrivent » et de « voir si d’autres moyens de prise en charge sont possibles » pour les patients qui ont recours à l’homéopathie, estime-t-elle dans Le Parisien. « Profitons du débat sur l’homéopathie pour mener une réflexion plus globale sur le médicament. (…) Il faudrait peut-être travailler à l’idée qu’il n’est pas toujours nécessaire de prendre un médicament », a-t-elle ajouté.

Mais le collectif « Fakemed », qui rassemble des médecins opposés à la prise en charge de l’homéopathie, à l’origine d’une tribune en 2018 qui avait relancé le débat, s’est dit « déçu » de ce déremboursement « petit à petit ». « Passer à 15 % ça n’a pas de sens », a jugé François Morel, secrétaire de ce collectif, interrogé par l’AFP. « Un remboursement à 15 % cela correspond à un service médical rendu faible ou peu important, alors que la HAS a statué sur l’absence d’efficacité spécifique de l’homéopathie. »

Statut dérogatoire

La ministre avait à plusieurs reprises affirmé sa volonté de suivre l’avis de la HAS. « Nous avons un principe fort en France (…), c’est prendre en charge les traitements qui ont un effet scientifiquement prouvé », a-t-elle encore rappelé mardi dernier à l’Assemblée nationale. Certains médicaments homéopathiques étaient jusqu’ici remboursés par la sécurité sociale sans avoir prouvé leur efficacité scientifique, en vertu d’un statut dérogatoire. Leur taux de remboursement, fixé à 65 % en 1984, avait déjà été ramené à 35 % en 2003 puis 30 % en 2011.

L’an dernier, l’homéopathie a représenté 126,8 millions d’euros sur environ 20 milliards pour l’ensemble des médicaments remboursés, selon l’Assurance maladie. De nombreux députés et élus de régions abritant des sites de production d’homéopathie s’étaient prononcés pour un maintien du remboursement, mettant en avant l’activité économique générée. Les laboratoires assurent qu’un déremboursement menacerait 1 300 emplois (1 000 chez le Français Boiron et 300 chez le Français Lehning et le Suisse Weleda). Mettant en avant le « pouvoir d’achat » et la « liberté de choix des patients », le président des Hauts-de-France (ex-LR) et ancien ministre de la Santé Xavier Bertrand avait ainsi demandé à Emmanuel Macron de « maintenir un taux de 15 % » au moins.

Agnès Buzyn, amenée à porter plusieurs dossiers cruciaux politiquement dans les prochaines semaines (bioéthique, réforme des retraites…), avait mis sa démission dans la balance, selon plusieurs médias. La ministre, médecin hématologue de formation, a fait valoir auprès de l’Élysée qu’il y allait de sa « crédibilité scientifique », rapporte notamment le Canard Enchaîné.