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Des mégots de cigarettes sur une poubelle à Singapour, le 17 juillet 2019 © AFP/Archives Roslan Rahman

Avec ses mégots par milliards et tout le plastique entrant dans la composition des e-cigarettes, l’industrie du tabac est l’un des pires pollueurs au monde, a averti mardi l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans un rapport publié à l’occasion de la journée mondiale sans tabac mardi, l’agence onusienne a lancé un appel à l’industrie du tabac pour qu’elle « paye vraiment les dégâts qu’elle est en train de créer ». Si les effets du tabac sur la santé publique sont désormais bien documentés — le tabagisme causant chaque année la mort de plus de huit millions de personnes dans le monde — le rapport se concentre sur son impact environnemental, au sens large.

Le document se penche sur l’empreinte environnementale du secteur dans son ensemble, de la culture des plants à la fabrication des produits du tabac, en passant par la consommation et les déchets. Ses conclusions sont « assez désastreuses », souligne le directeur de l’OMS pour la promotion de la santé, Rüdiger Krech, accusant l’industrie d’être « l’un des plus grands pollueurs que nous connaissons. »

Un poison 

Quant aux efforts répétés des entreprises du tabac pour réhabiliter leur image en nettoyant des plages et en finançant des organisations environnementales ou d’aide humanitaire, c’est de « l’éco-blanchiment », dit-il. « Le tabac n’empoisonne pas juste les gens : il est aussi en train d’empoisonner notre planète », a insisté M. Krech lors d’une conférence de presse. La branche est responsable de la perte de 600 millions d’arbres chaque année — soit 5 % de la déforestation dans le monde — alors que la culture et la production de tabac utilisent 200 000 hectares de terres et 22 milliards de tonnes d’eau par an, tout en émettant environ 84 millions de tonnes de CO2, selon le rapport. « Les produits du tabac, qui sont les détritus les plus souvent jetés de la planète, contiennent plus de 7 000 composés chimiques qui, une fois jetés, se répandent dans l’environnement », accuse le responsable de l’OMS.

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Des mégots de cigarettes qui jonchent un trottoir, à Paris, le 14 mars 2022 © AFP Emmanuel Dunand

 4 500 milliards de mégots 

Chacun des 4 500 milliards de mégots de cigarettes qui finissent chaque année dans la nature peut polluer jusqu’à 100 litres d’eau, souligne-t-il. En outre, près d’un quart des cultivateurs de tabac souffrent de la maladie du tabac vert, une forme d’empoisonnement à la nicotine par la peau. Par jour, la nicotine absorbée en travaillant dans un champ de tabac équivaut à 50 cigarettes, explique M. Krech, qui souligne en outre que le secteur emploie de nombreux enfants. D’après le rapport, le tabac est souvent cultivé dans des pays plutôt pauvres, où l’eau et les terres cultivées sont souvent rares, et où ces cultures prennent la place d’une production alimentaire cruciale. Plusieurs agences onusiennes ont lancé un projet pour aider les cultivateurs à se reconvertir vers d’autres cultures.

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Un singe mâche un mégot de cigarette à Gombak, dans l’État malaisien de Selangor, le 30 mai 2022 © AFP/Archives Mohd Rasfan

Pollution plastique 

Une part importante des émissions globales de gaz à effet de serre provient en outre de la transformation et du transport du tabac – l'équivalent d'un cinquième de l'empreinte carbone du transport aérien. L'OMS alerte également sur les produits dérivés du tabac – cigarettes, tabac sans fumée et e-cigarettes – qui contribuent de manière significative à l'accumulation de la pollution plastique dans le monde. Les filtres de cigarettes contiennent des traces des micro-plastiques, ces petits fragments retrouvés dans les océans du monde entier, y compris au fond de la fosse des Mariannes, la plus profonde du monde – ce qui en fait la deuxième plus importante source de pollution plastique au monde.

Soulignant qu'il n'y a pas de preuves que ces filtres protègent la santé – contrairement à ce qu'affirme l'industrie du tabac – l'OMS a exhorté les responsables politiques du monde entier à envisager leur interdiction. L'agence onusienne a également appelé les gouvernements à supprimer immédiatement les 500 milliards de dollars de subventions accordées chaque année aux industriels du tabac, et à cesser de faire payer le nettoyage des déchets par les contribuables. D’après le rapport, la Chine dépense chaque année environ 2,6 milliards de dollars pour traiter les déchets issus des produits du tabac. Pour l’Inde, la facture s’élève à 766 millions de dollars, alors que le Brésil et l’Allemagne doivent s’acquitter de 200 millions de dollars chacun.