Shampoings solides « zéro déchet », emballages recyclables, ingrédients naturels issus de filières durables : l’industrie cosmétique recherche de plus en plus la croissance dans les thèmes de l’environnement ou de la santé.

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Des savons faits main pour la marque Route Mandarine, photographiés le 7 juin 2018 dans une boutique de Porspoder (Finistère) © AFP/Archives Fred Tanneau

Le discours sur la durabilité n’émane plus seulement de petites marques traditionnelles. L’Oréal vient ainsi de rappeler son objectif de « 95 % d’ingrédients bio-sourcés, issus de minéraux abondants ou de procédés circulaires » d’ici à 2030. Le mastodonte français, dont les ventes avoisinaient 28 milliards d’euros l’an dernier, a aussi lancé il y a deux ans un site pour répondre aux questions du public sur les ingrédients utilisés.

Le géant américain Coty intègre également des critères environnementaux et sociétaux dans le développement de ses nouveaux produits. Dernière annonce en date, un partenariat avec LanzaTech, spécialisée dans la production d’éthanol à partir de gaz résiduels recyclés. 

Le Suisse Givaudan, numéro un mondial des parfums et arômes, a lui lancé, lundi, un outil pour les parfumeurs afin d’évaluer les ingrédients et les formules du point de vue de la biodégradabilité ou du caractère renouvelable.

La plus petite marque bretonne spécialisée dans les produits d’entretien Briochin (35 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel) a, elle, démarré en 2016 une gamme de cosmétiques 100 % labellisés bio. Shampoings solides, « pains » de toilette à usages multiples, elle propose « des formules simples pour plusieurs usages, avec moins de produits mais qui s’adressent à toute la famille », souligne Caroline Cantin, directrice générale adjointe.

« Facteur clé » pour certains consommateurs

Les produits bio et naturels certifiés représentent encore une part infime des ventes de cosmétiques en France : seulement 6,4 %, soit 970 millions d’euros en 2020 sur un marché estimé à près de 16 milliards d’euros, selon le cabinet Xerfi. Mais à l’heure où la demande en produits de beauté sur les marchés matures stagne, « le bio est l’un des segments qui génère le plus de croissance en valeur absolue », affirme Benoît Samarcq, chargé d’études économiques chez Xerfi, évoquant 8 % l’an dernier.

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De l’huile est utilisée pour fabriquer des savons fait main dans un atelier travaillant pour la marque Route Mandarine à Porspoder (Finistère), le 6 juin 2018 © AFP/Archives Fred Tanneau

Des applications prisées des consommateurs telles Yuka se font aussi fort d’éplucher les listes d’ingrédients des cosmétiques à la recherche de produits potentiellement nocifs, et contribuent à modifier les habitudes. « Les consommateurs, en particulier la génération Z et les millennials, considèrent déjà la durabilité comme un facteur clé dans leurs décisions d’achat », explique aussi, dans un courriel Thierry Molière, responsable de la recherche chez Coty.

Quel engagement ?

Face à cette « vraie tendance de fond », l’industrie est obligée de s’adapter, selon Mathilde Lion, experte beauté pour le cabinet NPD Group : « Il y a 10 ans, ce sont les marques qui diffusaient leur message. Maintenant, les consommateurs ont pris le pouvoir, ont ces attentes. Aux marques d’y répondre. » A minima, les grands acteurs « doivent avoir des initiatives en faveur de l’environnement ou en faveur de davantage de transparence », abonde Benoît Samarcq.

Reste à voir quel est l’engagement réel derrière les discours marketing. « Ce n’est pas parce qu’une entreprise achète une marque bio ou utilise du plastique biosourcé que cela suffit », avertit ainsi Romain Ruth, président de l’association Cosmébio, un label de cosmétiques bio qui regroupe plus de 450 entreprises du secteur en France. « Il faut chercher le label, que ce soit un engagement juridique et scientifique. »

Cela peut aussi permettre d’y voir plus clair dans la multitude des étiquettes vantant la naturalité : des labels comme par exemple Cosmébio, Natrue ou encore Ecocert vont « plus loin que la norme ISO 16128 relative aux cosmétiques bio, publiée en 2017 », remarque Benoît Samarcq. Selon cette norme, accusée par ses détracteurs de favoriser le « greenwashing », un ingrédient est considéré comme dérivé naturel dès qu’il contient plus de 50 % de matières naturelles. Le reste pouvant alors être issu de l’industrie pétrochimique. « Ce qui n’est évidemment pas le cas pour les labels et peut porter à confusion auprès des consommateurs », explique M. Samarcq.