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Bouteilles en plastique, à Paris, le 7 juillet 2019 © AFP/Archives Joël Saget

Trier, réutiliser, recycler : le projet de loi antigaspillage arrive lundi 9 décembre devant l’Assemblée nationale, avec une incertitude sur le sort d’une de ses mesures clés, la consigne pour les bouteilles en plastique. Alors que la France produit environ cinq tonnes de déchets par habitant et par an, le gouvernement voudrait faire de ce texte un marqueur de « l’écologie du quotidien » et de « l’acte II » du quinquennat.

Il sera examiné jusqu’au 20 décembre dans l’hémicycle, avec 2 400 amendements au menu. Porté par la secrétaire d’État Brune Poirson, il propose une batterie de mesures pour réduire les déchets, dont l’interdiction du plastique et des contenants à usage unique dans les fast-foods pour les repas servis sur place. Mais l’image de ce projet de loi « économie circulaire » a été brouillée par l’imbroglio sur la consigne des bouteilles en plastique.

Initialement, l’exécutif voulait généraliser un dispositif mixte de consigne de réemploi, pour les bouteilles en verre, et de recyclage des bouteilles en plastique. Soit un nouveau geste pour les Français qui auraient récupéré quelques centimes d’euros en rapportant leurs récipients dans des machines dédiées. Mais le Sénat a refusé la mesure consacrée aux bouteilles en plastique, puis les députés ont cafouillé lors d’un vote en commission.

Entre-temps, le gouvernement a temporisé : il propose désormais une expérimentation dans les territoires volontaires, avant une mise en place éventuelle à l’horizon 2023. Tout en rappelant les objectifs européens de 77 % de collecte des bouteilles plastique en 2025 et 90 % en 2029, alors que la France n’atteint pas 60 % aujourd’hui.

Les collectivités, qui vendent leurs déchets à des sociétés spécialisées, craignent de perdre des ressources avec la consigne. Les sénateurs ont aussi invoqué des motifs écologiques et pointé le « lobbying » des industriels de la boisson, comme Coca-Cola, favorables à la mesure.

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La secrétaire d’État à la Transition écologique Brune Poirson, à Heredia au Costa Rica, le 8 octobre 2019 © AFP/Archives Ezequiel Becerra

« Des garanties »

Chez les écologistes, on est plus partagé, même si l’ancien ministre Nicolas Hulot a pris position pour la consigne mixte. Tous partisans de la consigne pour réemploi (le verre), ONG et militants redoutent des effets pervers pour le recyclage du plastique. « On demande des garanties pour que cette consigne soit bien une solution de transition vers le réutilisable et qu’elle n’incite pas à utiliser davantage d’emballages jetables », explique l’ONG Zero Waste.

L’heure est donc à la « concertation », et la droite, à l’image de la députée Valérie Beauvais, ne manque pas d’attaquer un « projet fouillis et mal ficelé », avec « des interrogations encore bien trop nombreuses ». Le député Matthieu Orphelin (ex-LREM), proche de Nicolas Hulot, regrette que la consigne « prenne beaucoup trop de place dans la discussion » au détriment de « points essentiels sur la consommation durable ou les nouvelles filières de tri ».

Le projet antigaspi prévoit la mise en place de huit nouvelles filières REP (à responsabilité élargie des producteurs), suivant le principe de pollueur-payeur qui exige des professionnels qu’ils financent la gestion des déchets liés à leurs produits. Cela concernera le tabac pour la récupération des mégots, ou le bâtiment, alors que les dépôts sauvages du BTP sont une préoccupation majeure.

« La filière BTP essaye de gagner du temps depuis le début » mais « il y a urgence », estime Laurence Maillart-Méhaignerie, cheffe de file LREM pour le projet de loi. Contre le gaspillage, le texte veut interdire la destruction des invendus non alimentaires (produits d’hygiène...) en demandant aux grandes surfaces de les donner à des associations ou de les recycler.

Contre l’obsolescence programmée, notamment dans l’électronique, le projet de loi veut créer un « indice de réparabilité » qui précisera si un produit est aisé à réparer, et faciliter l’accès aux pièces détachées. Un engagement de campagne d’Emmanuel Macron a par ailleurs atterri dans ce texte en commission : la vente des médicaments à l’unité en pharmacie.

Des décrets d’application devront préciser médicaments concernés et conditions, alors que pharmaciens et industriels risquent de s’y opposer. Enfin, les députés ont voulu en commission interdire les campagnes de promotion du black friday, manifestation commerciale importée des États-Unis. Mais cette proposition semble surtout symbolique et le dispositif « peu opérant », reconnaît-on au ministère de la Transition écologique.