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Illustration d’une femme chasseuse, ayant probablement vécu il y a 9 000 ans au Pérou © Matthew Verdolivo

Contrairement à une idée largement répandue, à la préhistoire, la chasse n’était pas l’apanage des hommes. Une équipe américaine d’anthropologues affirme aujourd’hui que les femmes prenaient également part à l’exercice, et dans une proportion sans doute bien supérieure à ce que l’on pouvait imaginer.

Une jeune chasseuse enterrée il y a 9000 ans

À la base de ce « revirement », le squelette d’une jeune femme, vieux de 9000 ans, retrouvé à Wilamaya Patjxa, site archéologique de la cordillère des Andes, dans le sud du Pérou. « Si les premières estimations du sexe de ce squelette – basées sur la morphologie des os – laissaient présager qu’il s’agissait d’une femme, le doute a été totalement levé avec l’analyse de l’émail dentaire » [ndlr : une méthode moderne d’identification de squelette], explique James Watson, co-auteur de l’étude, parue dans Science Advances.

Les fouilles et analyses sur site ont également permis à l’équipe de déterminer l’âge de cette femme – entre 17 et 19 ans – et de mettre au jour une belle collection d’outils de chasse enterrés avec elle, semblant attester son statut de chasseuse. Parmi cet attirail : un couteau, des pointes de lances en pierre et des outils en pierre taillée pour dépecer les animaux.

Surnommée « WMP6 » (pour « Wilamaya Patjxa, individu n° 6 »), cette femme aurait également utilisé un « atlatl » : un propulseur permettant d’augmenter la force de son jet de lance, afin d’envoyer son projectile plus loin ou avec plus d’intensité.

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Fouilles archéologiques à Wilamaya Patjxa, au Pérou © Randall Haas

Des chasseuses dans toute l’Amérique

La découverte de cette sépulture remonte à 2018. L’équipe d’anthropologues américains, en collaboration avec des Péruviens de la communauté de Mulla Fasiri, avait alors exhumé six squelettes à Wilamaya Patjxa. Parmi eux, deux étaient vraisemblablement des chasseurs comme le laissent présager les « kits de chasse de gros gibier » enterrés à leurs côtés. « La découverte de sépultures de chasseurs a constitué une première surprise. Que l’une d’entre elles ait appartenu à une femme a été une surprise encore plus grande ! », raconte J. Watson.

Une surprise telle qu’elle a donné envie à l’équipe de savoir si cette chasseuse était un cas isolé. En se plongeant dans la littérature scientifique et en analysant 429 sépultures du continent américain, datant d’une époque relativement similaire, les chercheurs ont dressé le constat suivant : « Parmi ces sépultures, 27 présentaient des outils de chasse, dont 11 appartenaient à des femmes ». Un ratio qui laisse penser que 30 à 50 % des chasseurs étaient des femmes.

« Notre théorie, c’est que les préjugés modernes sur les tâches attribuées à tel ou tel genre sont tenaces et ont probablement contribué à ce que les archéologues rejettent pendant des années l’hypothèse de femmes chasseuses », analyse J. Watson, avant de conclure : « Notre étude porte sur les premiers habitants des Amériques, mais je parie que nous trouverons un jour des schémas similaires parmi les populations antérieures de l’Ancien Monde. »