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Un glacier sur la côte est du Groenland, le 15 août 2019 © AFP/Archives Jonathan Nackstrand

Par manque de tempêtes apportant leur lot de neige fraîche, le Groenland s’assombrit. Un léger changement de couleur qui n’est pas sans conséquence : moins blanc, il réfléchit moins la lumière du soleil, ce qui accélère son réchauffement, selon une nouvelle étude publiée lundi.

La surface de la calotte glaciaire du Groenland s’est réchauffée d’au moins 2,7 °C depuis 1982, causant une fonte très rapide des glaces, soulignent en introduction ces travaux publiés dans les Geophysical Research Letters. Et depuis plusieurs dizaines d’années, des observations satellites montrent que la proportion de lumière réfléchie par la neige (appelée albédo), diminue. Le Groenland devient plus sombre... et par là même plus chaud. Mais la raison de cet assombrissement restait mystérieuse : est-il causé par la présence dans la neige de particules absorbant la lumière (par exemple de la suie issue de la combustion d’énergies fossiles), ou par autre chose ? Pour répondre, des chercheurs de l’université de Darmouth ont parcouru des centaines de kilomètres au Groenland afin de mener deux campagnes de prélèvements et de relevés, durant les étés 2016 et 2017. La taille des flocons au sol, la façon dont ils réfléchissent la lumière, et les impuretés présentes dans la neige ont été mesurées sur des dizaines de sites. Les scientifiques ont conclu que la pollution ne pouvait être tenue pour responsable : « Il s’agit de l’une des neiges les plus propres du monde », explique Gabriel Lewis, un des principaux auteurs de l’étude, cité dans un communiqué.

Selon eux, le fautif est à chercher ailleurs : le renforcement d’un phénomène climatique, appelé blocage atmosphérique, pouvant stagner jusqu’à plusieurs semaines au-dessus de certaines régions du Groenland, a réduit le nombre de tempêtes de neige. Or, celles-ci sont essentielles. « Lorsque (la neige) tombe et reste à la surface, au soleil, elle change de forme et les flocons grossissent », explique Gabriel Lewis. « En quelques heures déjà, puis en quelques jours, vous obtenez cette baisse en réflectivité, et c’est pourquoi la neige fraîche est si importante », ajoute Erich Osterberg, professeur associé à Dartmouth et chercheur principal pour cette étude. Le même phénomène climatique entraîne par ailleurs le maintien d’air plus chaud au-dessus de ces régions, ainsi qu’une réduction de la couverture nuageuse. Les rayonnements solaires étant moins filtrés, la transformation des flocons de neige au sol est ainsi encore accélérée. « C’est comme un triple coup dur », conclut Erich Osterberg. « Tout cela contribue à ce que le Groenland fonde de plus en plus vite. »