Y a-t-il une vie possible au-delà de notre Système solaire ? Le télescope spatial Cheops devait s’envoler mardi 17 décembre de Kourou pour tenter de comprendre de quoi sont faites les exoplanètes, un pas dans la longue quête de conditions de formes de vie extraterrestre, mais aussi des origines de la Terre. Mais le lancement a été reporté à mercredi et des investigations sont en cours.

« Une analyse des causes (de la défaillance) est en cours pour résoudre le problème. La décision a été prise de reporter le lancement à une nouvelle date : le 18 décembre à 11 h 54 de Moscou (8 h 54 GMT) », a indiqué l’Agence spatiale russe dans un communiqué publié sur son site Internet. « Lors des dernières opérations avant le décollage du lanceur Soyouz ST-A avec un groupe d’engins spatiaux commerciaux, les équipements automatisés ont détecté une défaillance des systèmes de contrôle », ajoute Roskosmos.

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Vue d’artiste de la planète Proxima b en orbite autour de la naine rouge Proxima du Centaure © Observatoire européen austral/AFP/Archives M. Kornmesser

Près de 4 000 exoplanètes – orbitant autour d’une étoile autre que le Soleil – ont été détectées depuis la découverte de la première, 51 Pegasi b, il y a 24 ans. « Nous savons depuis qu’il y a des planètes partout, qu’environ une étoile sur deux possède son cortège de planètes. Maintenant, nous voulons dépasser la statistique et les étudier en détail », explique David Ehrenreich, responsable scientifique de la mission dirigée par la Suisse et l’Agence spatiale européenne (Esa). 

L’objectif de Cheops (CHaracterising ExOPlanet Satellite) n’est donc pas de débusquer de nouvelles planètes, mais d’analyser celles déjà identifiées. Embarqué dans un satellite, le télescope orbitera à 700 kilomètres au-dessus de la Terre pour ne pas subir les perturbations de l’atmosphère, et accèdera à tout le ciel, Soleil dans le dos.

Sa cible : Proxima du Centaure, 55 Cancri, Koro 1... au moins 400 systèmes planétaires, distants de quelques centaines d’années-lumière – la « banlieue proche » du Soleil à l’échelle de la Voie lactée.

Les planètes étant trop éloignées pour être visibles, c’est la puissante brillance de leur étoile qui servira de jauge, grâce à la méthode des transits : Cheops récoltera les variations infimes de luminosité provoquées par le passage d’une planète devant son étoile hôte, telle une micro-éclipse. En comparant la lumière émise par l’étoile avant, pendant et après le transit, les astrophysiciens parviendront à déduire la taille et le rayon de la planète avec une précision inédite.

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Vue d’artiste de l’exoplanète 55 Cancri © Esa/Hubble/AFP/Archives M. Kornmesser

Ces nouvelles données sur le rayon, combinées à des informations récoltées par les télescopes au sol sur la masse, permettront de mesurer la densité, paramètre essentiel pour déterminer la composition de la planète. Ce dernier critère est fondamental pour définir la probabilité qu’une planète puisse héberger la vie.

« Faire le tri »

On sait déjà que certaines planètes se situent dans la zone habitable de leur étoile, c’est-à-dire juste là où la température permet à l’eau d’exister à l’état liquide et où la vie, telle qu’on la connaît, pourrait se développer. L’intérêt de Cheops est de pouvoir différencier deux planètes de masse identique qui se trouvent dans cette zone habitable : « Si la densité de la première est élevée, ça veut dire qu’elle est essentiellement composée de roches, avec une fine atmosphère solide. Si la densité de la seconde est faible, ce sera une planète composée de gaz, avec une atmosphère extrêmement épaisse », anticipe David Ehrenreich.

La présence d’eau liquide ne sera possible que sur la première. « Donc si le but est d’aller chercher des traces de vie, Cheops va me dire que c’est sur celle-ci que je vais focaliser » les télescopes plus puissants comme le futur James-Webb, complète-t-il.

« Cheops nous sera utile pour faire le tri. Nous n’irons pas sonder au hasard », abonde Pierre Ferruit, en charge de la mission James Webb à l’Esa, qui se félicite d’une « brique » dans la « longue quête de conditions pour la vie dans l’Univers ».

Mais la mission étudiera aussi les planètes « non-habitables », pour comprendre toute leur diversité. « En observant les exoplanètes, on s’aperçoit que le système solaire est complètement atypique », relève Francis Rocard, planétologue au Cnes : ailleurs, il y a « partout » des objets qui n’existent pas chez nous, des mini-Neptune, des super-Terres avec des grosses enveloppes de gaz, des « Jupiter chauds »....

Comprendre l’architecture de ces systèmes, « même si on ne pourra jamais y aller, c’est une manière de savoir d’où l’on vient. Pourquoi on a trouvé des “Jupiter chauds” par exemple ? C’est important, car si Jupiter s’était rapprochée du Soleil, la Terre aurait été éjectée du Système solaire et nous ne serions pas là », analyse David Ehrenreich.

Cheops décollera de Kourou, en Guyane française, à bord d’une fusée Soyouz à 5 h 54 heure locale (10 h 54 heure française). Durée de la mission : trois ans et demi.