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Le paracétamol est l'antidouleur omniprésent dans les armoires à pharmacie © AFP/Archives Charly Triballeau

Peut-on encore trouver du Doliprane en France ? Face à des pénuries croissantes de médicaments, l'antidouleur préféré des Français cristallise les craintes des patients.

Le paracétamol est omniprésent dans les armoires à pharmacie. Le Doliprane, sa version produite par le laboratoire français Sanofi, était même en tête des marques préférées des Français en 2021, devant Samsung et Doctolib, selon un sondage Yougov. Mais face à des tensions d'approvisionnement, les autorités ont recommandé aux pharmaciens, courant novembre, de ne pas vendre plus de deux boîtes par patient. En cause, la menace d'une triple épidémie mêlant grippe, Covid-19 et bronchiolite, qui pèse en particulier sur les formes pédiatriques.

« Cette pénurie est mondiale, elle est liée à une pénurie de médicaments et de paracétamol en particulier, liée à la crise de la Covid, qui a modifié de manière importante les comportements de consommation et la distribution entre la ville et l'hôpital », a souligné devant le Sénat, mercredi, Roland Lescure, le ministre de l'Industrie.

Substitution

Il y a, notamment, une explosion de la demande. De janvier à novembre, Sanofi observe une augmentation de 47% des demandes de livraisons de Doliprane sur la gamme pédiatrique de la part des pharmacies françaises. Le laboratoire, qui produit plus d'un million de boîtes de cet antalgique par jour, dit faire tourner le site de Lisieux, en Normandie, à pleine capacité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Le laboratoire Upsa note lui aussi une progression de l'activité. Il explique avoir ainsi doublé en 2022 sa production de paracétamol, l'Efferalganmed pédiatrique. Mais le laboratoire admet « au regard de l'importance et la soudaineté des ruptures actuelles des références d'autres opérateurs, qu'il ne pourra absorber l'ensemble des volumes actuellement en rupture. »

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Face à des pénuries croissantes de médicaments, le médicament préféré des Français cristallise les craintes des patients © AFP/Archives Martin Bureau

Quelles conséquences dans les pharmacies ? « Pour les formes adultes de paracétamol, il existe plein de solutions de substitution », rappelle Philippe Besset, président de la FSPF, premier syndicat des pharmaciens. Mais « sur la forme pédiatrique, 95% du marché est produit par Sanofi, il n'est pas possible de reporter tous les volumes sur un autre acteur », dit-il expliquant n'avoir plus de Doliprane en suppositoires depuis deux mois dans sa pharmacie.

« Ce n'est pas un problème de production » mais « surtout de distribution », a expliqué sur BFM TV vendredi François Braun, le ministre de la Santé, pointant du doigt les effets d'un « mouvement social » dans la distribution.

Interrogé, Sanofi a souligné de son côté que le mouvement social en cours dans le groupe n'impactait pas les sites produisant cet antalgique, reconnaissant quelques ralentissements sur un des sites de distribution en France, mais pas de nature à créer des pénuries en pharmacie. François Braun a appelé à éviter tout mouvement de panique. « Hier, en une journée, ont été consommées trois journées de stock », a-t-il regretté. Les autorités ont convenu de faire temporairement passer les commandes par les grossistes-répartiteurs pour la suspension pédiatrique, afin de mieux répartir les lots sur le territoire.

Apaiser les craintes

En réalité, le paracétamol n'est pas seul concerné par les ruptures d'approvisionnement. Le phénomène frappe notamment certains antibiotiques, au risque d'un problème majeur de santé publique selon certains médecins. Sont aussi concernés des insulines, un traitement de tumeurs de la vessie...

Mais le paracétamol a un statut emblématique qui cristallise les inquiétudes. « C'est le produit d'une histoire », remarque Etienne Nouguez, sociologue à Sciences Po, qui a notamment travaillé sur les médicaments. « Il y a l'idée que le Doliprane, parmi tous les antalgiques, est le moins à risque, ce qui conduit à oublier que cela peut être dangereux aussi » en cas de surconsommation, dit-il.

Le sociologue voit dans ce médicament « une arme aux mains des médecins et des parents pour gérer la bobologie et tous les inconforts. C'est un objet du quotidien, qui apaise les angoisses si l'enfant a mal à la tête. Manquer de cet objet-là n'est pas seulement un risque pour la santé de l'enfant mais cela met en danger le fonctionnement interne de la famille », analyse-t-il.

En 2021, le président Macron avait annoncé un plan de souveraineté sanitaire, comprenant la relocalisation en France du principe actif du paracétamol. Mais les fabricants de génériques ne sont pas convaincus, estimant que les prix trop bas pour leurs produits ne permettent pas le maintien de l'activité sur le territoire.