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Le LHC du Cern, plus grand accélérateur de particules au monde, pris en photo lors d’un arrêt technique, le 6 février 2020 © AFP/Archives Valentin Flauraud

Dix ans après sa découverte du boson de Higgs, le LHC du Cern, le plus grand et plus puissant accélérateur de particules au monde, redémarre aujourd’hui avec une énergie de collision record. L’objectif ? Percer un peu plus les secrets de la matière.

Le grand collisionneur de hadrons (LHC) a été remis en route en avril, après un arrêt technique de trois ans, pour des travaux de maintenance et d’amélioration de sa production et détection de particules. Il va fonctionner à sa pleine puissance de collision de 13,6 milliards de milliards d’électronvolts (TeV) pendant quatre ans, ont annoncé les responsables de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) dans un point de presse la semaine dernière. 

Ses deux faisceaux de protons — les particules du noyau de l’atome —, accélérés à une vitesse proche de celle de la lumière, vont circuler en sens opposé dans l’anneau de 27 km, enfoui à 100 mètres sous terre à la frontière franco-suisse.

Les détecteurs de plusieurs expériences (notamment ATLAS, CMS, ALICE et LHCb), vont alors enregistrer les collisions de protons, qui produisent des particules éphémères expliquant le fonctionnement de la matière. 

« Nous visons un taux de 1,6 milliard de collisions proton-proton par seconde pour les expériences ATLAS et CMS », a indiqué jeudi Mike Lamont, directeur des accélérateurs et de la technologie au CERN. Plus ces collisions sont violentes, plus elles permettent de « casser » les particules pour identifier leurs composants et leurs interactions. 

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Le détecteur CMS du LHC, qui enregistre les collisions de protons, le 6 février 2020 au Cern © AFP/Archives Valentin Flauraud

Les faisceaux de protons vont être concentrés pour atteindre aux points d’interaction une taille microscopique de « 10 microns, afin d’accroître le taux de collisions » de protons, a expliqué Mike Lamont. 

Le temple mondial de l’infiniment petit, construit en 2008, a permis la découverte du boson de Higgs, annoncée il y a exactement dix ans par Fabiola Gianotti, alors coordinatrice de l’expérience CMS et aujourd’hui directrice générale du Cern. « Le boson de Higgs est lié à certaines des questions les plus profondes de la physique fondamentale, qu’il s’agisse de la structure et la forme de l’Univers, comme de la façon dont s’organisent les autres particules », selon la chercheuse. 

Sa découverte a révolutionné la physique, en confirmant la prédiction des chercheurs qui en avaient fait, près de 50 ans auparavant, une pièce maîtresse du Modèle standard de la physique des particules (SM). Le boson de Higgs est la manifestation d’un champ, c’est-à-dire un espace, qui donne une masse à des particules élémentaires formant la matière.  

Les chercheurs ont pu le débusquer grâce à l’analyse d’environ 1,2 milliard de milliards de collisions de protons entre eux. La troisième période d’exploitation du LHC qui s’ouvre mardi va multiplier ce chiffre par vingt. « C’est un accroissement significatif qui ouvre la voie à de nouvelles découvertes », relève Mike Lamont. 

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Un employé du Cern parcourt à vélo les allées du LHC, lors d’une pause technique, le 6 février 2020 © AFP/Archives Valentin Flauraud

Car le boson de Higgs n’a pas livré tous ses secrets. À commencer par sa nature. « S’agit-il d’une particule fondamentale ou bien composite », à savoir un assemblage de plusieurs particules encore inconnues, interroge Joachim Mnich, directeur de la Recherche et du Calcul au Cern. Mieux, « est-ce la seule particule de Higgs existante ou y en a-t-il d’autres ? »

Les expériences passées ont permis de déterminer la masse du boson de Higgs, et aussi de découvrir plus de 60 particules composites prédites par le Modèle standard, telles que le tétraquark. Mais comme le rappelle Gian Giudice, chef du département de physique théorique au Cern, « les particules ne sont que la manifestation d’un phénomène », alors que « l’objectif de la physique des particules est de comprendre les principes fondamentaux de la nature ». Comme la nature de l’hypothétique matière noire ou de la non moins mystérieuse énergie sombre.

Neuf expériences vont ainsi mettre à profit la production de particules de l’accélérateur. Comme ALICE, qui étudie le plasma primordial de matière qui prévalait dans les dix premières microsecondes après le Big Bang. Ou LHCf, qui simule des rayons cosmiques.

L’étape suivante du grand collisionneur interviendra après la troisième pause, en 2029, avec son passage à la « haute luminosité », qui multipliera par dix le nombre d’événements détectables. 

Au-delà encore, les chercheurs du Cern regardent vers le projet de Futur collisionneur circulaire (FCC), un anneau de 100 km dont l’étude de faisabilité est attendue fin 2025. « Ce sera la machine ultime pour étudier le boson de Higgs, qui est un outil très puissant pour comprendre la physique fondamentale », a conclu Fabiola Gianotti.