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Illustration artistique imaginant la vue depuis l’une des planètes du système Trappist-1, à 40 années-lumière de la Terre, fournie en février 2018 par l’Observatoire européen austral © ESO/AFP/Archives HO

Une autre planète Terre est-elle possible ? Le télescope spatial James Webb s’apprête à ouvrir un nouveau chapitre dans la recherche des conditions propices à la vie par-delà notre Système solaire, suscitant un immense espoir chez les astrophysiciens. 

Ce pan de l’histoire est récent, la découverte de la première exoplanète remontant à 1995. Elle a été baptisée 51 Pegasi b et depuis, près de 5000 planètes orbitant autour d’autres étoiles que le Soleil ont été répertoriées. Le « bestiaire » contient des géantes gazeuses, comme Jupiter ou Neptune, et rocheuses, comme la Terre. Certaines sont situées dans la zone dite habitable, ni trop près, ni trop loin de leur étoile – principe lui valant le nom de « Boucle d’Or ».

Mais de quoi ces planètes sont-elles faites ? Il est extrêmement difficile de le savoir tant ces systèmes planétaires, dont seule l’étoile peut se voir directement, sont lointains. A fortiori pour les planètes rocheuses, plus petites et pourtant seules susceptibles d’abriter la vie telle que nous la connaissons.

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Illustration artistique réalisée en septembre 2009 du télescope James Webb de la Nasa © Nasa/AFP/Archives HO

Pour les détecter, les astronomes utilisent notamment une technique indirecte appelée « méthode des transits » : elle permet de capter les variations infimes de luminosité provoquées par le passage d’une planète devant son étoile hôte, telle une micro-éclipse. Cela permet d’en détecter de nouvelles, de caractériser leur taille, leur densité…

Mais il reste un terrain quasiment vierge : la composition de leur atmosphère, reflet de ce qui se passe en surface. C’est là que le JWST (James Webb Space Telescope) de la Nasa, le plus puissant et le plus grand jamais envoyé dans l’espace, marque un tournant.   

« Dire qu’il y a vingt ans on ne connaissait presque pas d’exoplanètes et qu’on va bientôt savoir de quoi leurs atmosphères sont composées, c’est énorme ! », s’émeut Pierre Ferruit, astrophysicien et co-responsable scientifique du JWST pour l’Agence spatiale européenne (ESA). « Cela va révolutionner notre façon de voir les atmosphères de ces planètes. On va voir un peu leurs tripes ! », s’enthousiasme pour sa part Pierre-Olivier Lagage, co-responsable de l’instrument MIRI, issu d’une coopération européenne et américaine.

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Les caractéristiques du télescope James Webb, le successeur d’Hubble, et sa localisation autour du Soleil après son lancement le 22 décembre © AFP Jonathan Walter

Impliqué dans la mission depuis 1998, cet astrophysicien du CEA a développé une technique innovante qui opérera dans l’infrarouge moyen, une longueur d’onde jusqu’ici inexploitée. Le scénario doit se dérouler comme suit : lors du transit, la lumière de l’étoile sera filtrée par les molécules contenues dans l’atmosphère de la planète. Or il se trouve que les molécules possèdent une signature spécifique dans cet infrarouge, notamment la vapeur d’eau, le monoxyde de carbone et le méthane, explique Pierre Ferruit. Trois molécules présentes dans l’atmosphère terrestre, et qui peuvent donc potentiellement provenir d’une activité biologique en surface.

« Mon rêve serait de détecter une atmosphère autour d’une planète rocheuse, dans une zone habitable, avec des molécules d’eau », soit trois conditions réunies pour la vie, confie René Doyon, directeur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes de Montréal, et chercheur principal de l’instrument canadien NIRISS.

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Illustration artistique du système Trappist-1 et de ses sept planètes fournie par l'ESO en 2018 © ESO/AFP/Archives HO

Mais prudence, car il existe des pièges. Comme avec Vénus, où des chercheurs ont cru détecter de la phosphine : un gaz associé à la vie sur Terre, mais qui ailleurs peut ne provenir que de processus géochimiques. Trouver une origine biologique aux molécules atmosphériques sera donc « probablement hors de portée » pour le James Webb, souligne l’astrophysicien québécois. 

« Les bio-signatures, ce sera pour plus tard. On cherche déjà les conditions favorables à la vie, comme la présence d’eau à l’état liquide », renchérit Pierre Ferruit. Des indices majeurs pour mettre les futures missions sur la bonne piste, et comprendre si « la Terre est unique, ou pas ». 

Les projecteurs du JWST seront surtout braqués sur le système Trappist-1, situé à 40 années lumières de la Terre, et découvert avec un télescope belge. Ce qui lui a valu cette référence à un type de bière brassée par des moines belges. Il fait figure de candidat idéal : sept planètes, dont trois dans la zone habitable, y transitent une étoile naine – pas trop brillante, ce qui facilite la détection du signal de l’atmosphère. 

D’autres instruments, d’imagerie directe cette fois, examineront l’atmosphère enveloppant des « Jupiter chaudes » et autres « minis-Neptune »… Une nouvelle classe d’exoplanètes pourrait même être trouvée, anticipe le Pr Doyon. Avec ses confrères, il s’attend aussi à des surprises car « l’histoire de la découverte des exoplanètes n’a été faite que de ça ».