Image légendée
De jeunes anguilles nagent dans une ferme d'anguilles à Hamamatsu, dans la préfecture de Shizuoka, au Japon, le 16 avril 2021 © AFP Charly Triballeau

Le déclin mondial des populations d’anguilles et les moyens mis en place pour les sauver ont favorisé le braconnage et fait émerger un immense marché noir qui serait plus rentable que les trafics de drogue, d’humains et d’armes.

3 milliards d’euros

C’est la valeur annuelle estimée du trafic illégal de civelles – les alevins de l’anguille – européennes vers l’Asie. La diminution des ressources d’anguille japonaise, l’espèce répartie à travers l’Asie de l’Est, a obligé les éleveurs de la région à importer des civelles des espèces européenne et américaine pour alimenter l’aquaculture, faisant flamber les prix. Ainsi la civelle est parfois surnommée « l’or blanc ».

2010

La date à laquelle l’Union européenne a interdit toute exportation de civelles hors de ses frontières. L’espèce européenne est inscrite depuis 2007 à l’annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), indiquant que son commerce doit être réglementé pour éviter une exploitation menaçant sa survie. L’interdiction d’export et des restrictions sur la pêche ont alimenté un important trafic à destination de l’Asie.

Un quart au marché noir

L’organisation Sustainable Eel Group (SEG) calcule que 23 % des civelles européennes sont exportées illégalement chaque année vers l’Asie, et principalement vers la Chine. Elle se base sur l’estimation scientifique de 440 tonnes de civelles arrivant chaque année sur les côtes européennes depuis l’océan Atlantique et les données de l’agence européenne de police criminelle Europol, selon lesquelles 100 tonnes ont été exportées illégalement vers l’Asie en 2018. Pour son président, Andrew Kerr, il s’agit du « plus grand crime contre la faune de la planète ».

Image légendée
L'éleveur d'anguilles Kiyoyuki Shima nourrit ses poissons dans sa ferme à Hamamatsu, dans la préfecture de Shizuoka, au Japon, le 16 avril 2021 © AFP Charly Triballeau

Un prix multiplié par 100

Pour donner un ordre d’idée, « un pêcheur européen touche environ 0,1 euro » par civelle, explique M. Kerr. « Arrivées à Hong Kong, chacune vaut 1 euro, et après avoir été mise en aquaculture pendant un an dans un élevage chinois une anguille vaut 10 euros, soit au total une multiplication par 100 de son prix en l’espace d’un an. Le profit est plus gros que pour le trafic de drogues, d’humains et d’armes ».

99 %

Soit la proportion issue de l’aquaculture dans la consommation japonaise d’anguilles. L’espèce ne se reproduit pas en captivité, et la filière dépend donc presque totalement de la pêche des civelles, ce qui explique la pression sur cette ressource naturelle et sa grande valeur économique.

108

Le nombre de contrebandiers présumés de civelles interpellés par les polices de 19 pays européens pendant la saison de pêche 2019/2020 selon Europol. Deux tonnes de civelles d’une valeur estimée à 6,2 millions d’euros ont été saisies sur la même période.

Image légendée
Des ouvriers manipulent des anguilles dans un centre de tri à Hamamatsu, dans la préfecture de Shizuoka, au Japon, le 16 avril 2021 © AFP Charly Triballeau

Covid-19

La pandémie a perturbé le transport aérien de passagers à l’international, jusque-là le moyen privilégié des trafiquants utilisant des « mules » transportant les civelles dans des valises. Les contrebandiers privilégient depuis le fret aérien, dissimulant les civelles au milieu d’autres marchandises. C’est un jeu permanent « du chat et de la souris », souligne M. Kerr.