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Les médecins généralistes français qui reçoivent des cadeaux des laboratoires pharmaceutiques ont tendance à faire « des prescriptions plus chères et de moindre qualité », selon une étude © AFP/Archives LOIC VENANCE

Les médecins généralistes français qui reçoivent des cadeaux des laboratoires pharmaceutiques ont tendance à faire « des prescriptions plus chères et de moindre qualité », montre une étude publiée mercredi 6 novembre. Inversement, ceux « qui ne reçoivent aucun avantage de la part de l’industrie pharmaceutique sont associés en moyenne à de meilleurs indicateurs établis par l’Assurance Maladie quant à l’efficacité de leurs prescriptions, et celles-ci coûtent globalement moins cher », concluent ses auteurs, médecins, chercheurs et ingénieurs à l’université et au CHU de Rennes.

Ces résultats ne démontrent pas de lien de cause à effet mais « renforcent l’hypothèse selon laquelle l’industrie pharmaceutique peut influencer les prescriptions des médecins généralistes, et offrent un aperçu sur l’étendue de cette influence », soulignent l’université, le CHU et l’École des hautes études en santé publique dans un communiqué.

« Cette influence, parfois inconsciente chez les médecins, peut conduire à choisir un traitement qui n’est pas optimal, au détriment de la santé du patient et du coût pour la collectivité », ajoutent-ils. L’étude, parue dans le British medical journal (BMJ), repose sur le croisement de deux bases de données : la première est le portail Transparence Santé, sur lequel doivent être déclarés tous les « liens d’intérêt » des professionnels de santé, et notamment les équipements, repas, frais de transport ou d’hôtel offerts par des entreprises du secteur (laboratoires pharmaceutiques, fabricants de dispositifs médicaux, etc.), à partir d’un montant de 10 euros.

90 % ont reçu un cadeau

Selon cette base, « près de 90 % des médecins généralistes ont déjà reçu au moins un cadeau depuis 2013 », souligne Pierre Frouard, médecin généraliste à Rennes et coordonnateur de l’étude. « C’est la première étude de cette ampleur en France » qui exploite les données de ce portail, souligne Bruno Goupil, premier auteur de l’étude.

La seconde base est le Système national des données de santé (SNDS), né en 2017 de la fusion de deux bases de données pré-existantes et qui recense consultations, actes médicaux, prescriptions de médicaments et hospitalisations remboursés en conservant l’anonymat des assurés. Les auteurs ont passé au crible les prescriptions d’un peu plus de 41 000 médecins généralistes travaillant exclusivement en libéral et les ont classés en six groupes, en fonction du montant des avantages perçus au cours de l’année 2016.

Ils ont ainsi mis en évidence que « en moyenne », « le groupe de médecins n’ayant reçu aucun avantage (...) est associé à des prescriptions moins coûteuses, plus de prescriptions de médicaments génériques par rapport aux mêmes médicaments non génériques » (pour trois types de médicaments), « moins de prescriptions de vasodilatateurs et de benzodiazépine pour des durées longues », dont l’usage est déconseillé par l’Assurance Maladie, « moins de prescriptions de sartans » (anti-hypertenseurs) par rapport à une autre famille de médicaments, recommandés pour leur efficacité similaire avec un moindre coût.

En revanche, « il n’existe pas de différence significative pour la prescription d’aspirine, de génériques d’antidépresseurs ou de génériques d’inhibiteurs de la pompe à protons », des médicaments anti-acidité.

Les auteurs montrent également que plus le montant total des avantages perçus est élevé plus le surcoût moyen par prescription augmente, tout comme le déficit de prescription des versions génériques pour les antibiotiques, les antihypertenseurs et les statines.

« Les firmes pharmaceutiques dépensent énormément d’argent dans la promotion des médicaments (23 % de leur chiffre d’affaire soit plus que pour la recherche) dont les cadeaux ne sont qu’une partie », souligne le Dr Goupil, citant un rapport de la Commission européenne publié en 2009. « Il semble peu probable que cet argent soit dépensé à perte et les résultats de notre étude concordent avec les études existantes en faveur d’une influence sur les prescriptions », ajoute-t-il.