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Le député Olivier Falorni à l'Assemblée nationale, le 11 décembre 2018 © AFP/Archives Thomas SAMSON

« Loi de liberté » contre « transgression majeure » : l'Assemblée nationale rouvre jeudi un débat passionnel sur l'euthanasie, qui n'a toutefois pratiquement aucune chance d'aboutir faute de temps face à un barrage de milliers d'amendements.

La proposition de loi du député Olivier Falorni ouvrant un droit à « une fin de vie libre et choisie » divise tous les groupes, qui laissent d'ailleurs leurs élus s'exprimer en conscience.

Le texte est attendu dans l'après-midi en première lecture, dans le cadre d'une journée réservée au groupe Libertés et Territoires de M. Falorni. 

Il permettrait le possible recours à une « assistance médicalisée active à mourir » pour toute personne « capable et majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable », ne pouvant être « apaisée » ou jugée par elle « insupportable ».

« Les Français sont prêts, ils attendent cette grande loi de liberté » assure le député de Charente-Maritime, qui s'est inspiré de plusieurs exemples étrangers, en particulier la Belgique.

Signe du large écho de sa cause au Palais Bourbon, M. Falorni a reçu l'appui de quelque 270 députés de tous bords, pas loin de la majorité absolue, dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche.

Parmi ses soutiens, les présidents de quatre groupes parlementaires : Jean-Luc Mélenchon (LFI), Valérie Rabault (PS), Olivier Becht (Agir) et Bertrand Pancher (Libertés et territoires).

Ses adversaires entendent toutefois contrer son adoption dans le temps contraint des « niches » parlementaires - couperet à minuit - avec une avalanche d'amendements, plus de 3000, dont 2300 émanant d'une poignée de députés LR.

Une « obstruction » dénoncée à cor et à cris par les partisans de M. Falorni, auxquels ces opposants répondent par le "droit imprescriptible" à déposer des amendements.

Faute d'espoir sérieux de voir le texte sur l'euthanasie passer dans son ensemble, 227 députés ont déposé un amendement de tête, qui sera discuté en premier, évoquant le cœur du dispositif : l'assistance médicalisée active à mourir.

Son adoption leur offrirait une victoire symbolique, et mettrait la pression sur un gouvernement très tiède sur ce sujet.

Mais là encore la guérilla s'annonce féroce, avec des sous-amendements déposés in extremis en cascade pour refuser cette formulation.

La présidente de la commission des Affaires sociales Fadila Khattabi (LREM) a déploré dans un communiqué que les échanges soient de fait « censurés par quelques parlementaires opposés au sujet de la fin de vie. »

De nombreux élus déplorent aussi qu'un tel thème de société vienne d'un groupe d'opposition minoritaire - 18 députés d'obédiences diverses - plutôt que d'un projet gouvernemental, étude d'impact et avis du Comité d'éthique à l'appui.

Le contexte de la crise sanitaire est aussi jugé peu propice par certains pour avancer sereinement sur un sujet aussi douloureux.

Les parlementaires hostiles au « suicide assisté » font valoir qu'il conviendrait d'abord de mieux appliquer la loi Claeys-Leonetti actuelle, qui prévoit une sédation profonde et continue pouvant mener à la mort, mais sans euthanasie active.

« Aller plus loin me semble dangereux », a estimé lors des travaux en commission la députée LREM Caroline Janvier, d'autres comme Marc Delatte, médecin et élu En Marche lui aussi, s'inquiétant des risques de « dérive éthique ».

Ils ont un appui de poids en la personne de Jean Leonetti, co-auteur de la loi actuelle, qui voit dans l'euthanasie active une « transgression majeure ».

Des voix célèbres se sont élevées dans les deux camps : la comédienne Line Renaud pour appuyer « un progrès essentiel », l'écrivain Michel Houellebecq pour estimer qu'avec cette loi, la France perdrait « tout droit au respect ».

Le gouvernement s'est jusqu'à présent montré peu enclin à légiférer. Emmanuel Macron n'avait pas pris d'engagement en 2017, hormis indiquer qu'il préfèrerait personnellement choisir sa fin de vie. Son ministre de la Santé Olivier Véran veut mieux faire connaître la loi actuelle.

Le patron des députés LREM Christophe Castaner s'est toutefois déclaré jeudi prêt à une poursuite du débat. « Si le gouvernement voulait l'inscrire (à l'agenda parlementaire ndlr), et je me suis fait écho d'une demande de mon groupe sur ce sujet, je serai évidemment aux côtés du gouvernement pour porter ce débat-là », a-t-il déclaré sur France 2.