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Des comprimés d'Oxycodone contre la douleur contenant des opiacés, aux États-Unis © Getty/AFP/Archives JOHN MOORE

L’antidote à base de naloxone pour stopper en urgence une surdose d’opioïdes médicamenteux ou illicites comme l’héroïne est encore très loin d’être facilement accessible à tous, proches et usagers, dénoncent l’association France Patients Experts Addictions et plusieurs spécialistes. La situation en France est certes sans commune mesure avec la crise des opioïdes aux États-Unis responsable de plus de 70 000 décès en 2017.

Mais « plus de 500 décès par surdose, dont près de 80 % en lien avec les opioïdes recensés en 2017, auraient pu être évités », a souligné le ministère de la Santé à l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation et de prévention des overdoses, le 31 août. La tendance à l’augmentation des overdoses ces dernières années est préoccupante, en particulier celles dues à des médicaments antidouleurs, selon le Pr Nicolas Authier de l’Observatoire français des médicaments antalgiques (Ofma).

« Entre 2000 et 2015, les décès par overdoses d’opioïdes médicaments (hors héroïne et méthadone) sont passés de 75 à 200 », a-t-il expliqué et « c’est probablement une sous-estimation ». Quand une douleur s’exacerbe, le patient peut multiplier les prises et provoquer un surdosage sans pour autant qu’il y ait addiction.

Des kits d’antidote prêts à l’emploi pour stopper l’overdose en attendant l’arrivée des secours sont actuellement commercialisés en France : une forme injectable en intramusculaire, le Prenoxad depuis mai 2019, et un spray nasal, le Nalscue (35 € environ) depuis 2018. Ce dernier, non remboursé faute d’accord avec les pouvoirs publics, se trouve seulement dans les hôpitaux et des centres d’accueil et de soins spécialisés dans les addictions (CSAPA et CAARUD). Les pharmacies peuvent en revanche délivrer le Prenoxad (23 €) avec ou sans ordonnance. Il n’est remboursé à 65 % que sur prescription.

France Patients Experts Addictions réclame, outre une large accessibilité de l’antidote, un remboursement à 100 % sur ordonnance et la diffusion en pharmacie de sprays à des prix accessibles et des distributions gratuites là où c’est nécessaire. 

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Évolution du taux de mortalité par overdose aux États-Unis, et résumé des effets des opiacés sur le cerveau © AFP/Archives Gal ROMA

Présence restreinte en pharmacie

« D’après un testing réalisé avec une association d’usagers de drogues, l’antidote n’était présent que dans une pharmacie sur quarante et les deux-tiers des pharmacies ne connaissaient pas ce produit », relève le Pr Michel Reynaud, président du Fonds actions addictions qui juge « la procédure trop compliquée ». Les pharmaciens doivent commander le produit injectable directement au laboratoire, car il n’est pas référencé par les grossistes.

« Il ne suffit pas de faire un plan de lutte contre les overdoses, il faut une mobilisation et une formation des professionnels (médecins, pharmaciens...), mais aussi des consommateurs, y compris pour ceux qui prennent des opioïdes contre le mal au dos et d’autres douleurs chroniques, et leurs proches, afin justement que les 80 % de morts reconnus comme évitables par le ministère soient évités », lance ce spécialiste.

Il faut trouver l’équilibre entre le bon usage et l’accessibilité des antalgiques pour ne pas négliger la prise en charge de la douleur, selon le Pr Authier. Selon lui, 12 millions de Français recourent chaque année à une ordonnance remboursée d’un opioïde. Et « le tramadol est au premier plan en terme d’overdose et de décès par overdose ».

Pour Albert Caporossi, patient-expert et vice-président de la FPEA, « Il y a beaucoup de choses à améliorer » comme de doter les services de secours (police, gendarmerie, pompiers) du spray. Il souhaite aussi qu’« un accord intervienne vite sur le prix des trois nouveaux sprays », qui remplaceront le Nalscue dont l’arrêt de la commercialisation en France a été annoncée pour 2020.