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Des bouteilles du désherbant Roundup de Monsanto en vente dans un magasin de Glendale (Californie), le 19 juin 2018 © AFP/Archives Robyn Beck

Nouvelle défaite judiciaire de taille pour Monsanto, condamné le 27 mars aux États-Unis à verser plus de 80 millions de dollars à un retraité malade d’un cancer qu’il attribue au Roundup, le désherbant vedette du groupe racheté par l’allemand Bayer.

C’est la deuxième fois en quelques mois qu’un jury populaire de San Francisco conclut que le Roundup a causé un cancer et que Monsanto est coupable de n’avoir rien fait pour prévenir des dangers possibles de son produit au glyphosate.

Bayer s’est d’ailleurs dit « déçu par la décision du jury » dans un communiqué, mais estime qu’elle « ne change rien au poids de 40 ans de science et de conclusions d’agences de régulation dans le monde entier qui soutiennent que notre désherbant au glyphosate est sûr et qu’il n’est pas cancérigène ». Le groupe a annoncé qu’il allait faire appel de ce jugement.

Edwin Hardeman, 70 ans, avait été diagnostiqué d’un lymphome non-hodgkinien en 2015 avant d’attaquer la firme l’année suivante, estimant que sa maladie était due au Roundup dont il s’est servi pendant plus de 25 ans pour désherber sa propriété en Californie.

Accueillant le jugement avec un bruyant « ouf » de soulagement, le plaignant, sa femme Mary et ses avocates se sont longuement enlacés dans la salle d’audience, après un procès qui a duré plus d’un mois. Lors d’une conférence de presse organisée peu après, l’une de ses conseils, Aimee Wagstaff a estimé que ce jugement était « historique ». Le plaignant et sa femme, tout sourires, ont quant à eux remercié le jury et leurs avocats.

Dommages punitifs

La semaine dernière, les jurés avaient déjà estimé que le Roundup était un « facteur substantiel » dans le cancer de M. Hardeman, qui est actuellement en rémission.

Mercredi, ils ont conclu que Monsanto avait également mis sur le marché un produit ayant un « défaut de conception », que les bidons de Roundup auraient dû mentionner des « avertissements » sur les risques potentiels et que Monsanto avait été « négligent » en ne prévenant pas les usagers de risques de cancer.

Estimant que la direction de Monsanto avait agi « avec malveillance » et avait sciemment négligé la sécurité, le jury a attribué 75 millions de dollars au plaignant en dommages « punitifs », selon le terme juridique américain.

A cette somme s’ajoutent notamment les dommages destinés à compenser les dépenses de santé et les pertes économiques passées et à venir du plaignant ainsi que sa souffrance morale. Au total, ce sont 80,3 millions de dollars que doit débourser Monsanto.

« La science nous montre depuis 40 ans que le Roundup peut causer le cancer. Quand on regarde les documents internes à Monsanto, il est aussi très clair qu’ils le savaient », a aussi dit Jennifer Moore, l’autre avocate du plaignant.

L’attitude de Monsanto était « destinée à tromper et malveillante, Monsanto doit changer ses pratiques commerciales dès maintenant », a-t-elle ajouté, remerciant les jurés d’avoir envoyé un message « fort et clair » à une entreprise qui gagne des « milliards » avec son désherbant.

« Nous sommes prêts à continuer à nous battre et à porter ces dossiers devant les tribunaux », a-t-elle encore dit.

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Le cours de l'action Bayer, propriétaire de Monsanto après une 2e défaite judiciaire mercredi aux Etats-Unis © AFP Jonathan WALTER

« Pied du mur »

Au-delà de ce procès, Bayer fait face à quelque 11 200 procédures similaires rien qu’aux États-Unis.

Ce jugement « montre que le verdict Johnson (au mois d’août) n’était pas un cas isolé » et « va encourager d’autres » personnes à engager des poursuites contre Bayer, a expliqué à l’AFP Carl Tobias, professeur de droit à l’Université de Richmond.

Monsanto et son propriétaire Bayer avaient déjà été condamnés à verser 289 millions de dollars à un jardinier malade d’un cancer en phase terminale lors d’un procès à San Francisco en août. La somme a ensuite été réduite par une juge à 78,5 millions de dollars. Bayer a aussi fait appel de ce jugement.

Le groupe martèle qu’aucune étude, aucun régulateur dans le monde n’a conclu à la dangerosité du glyphosate ou du Roundup entre sa mise sur le marché au milieu des années 1970 et 2012, date à laquelle M. Hardeman a cessé de s’en servir.

Au contraire, « Monsanto a influencé et manipulé la science » en dissimulant certains résultats aux régulateurs ou en payant des scientifiques pour qu’ils signent des articles en fait directement rédigés par le groupe, avait accusé Aimee Wagstaff pendant le procès.

L’association environnementale américaine « Environnemental Working Group » a salué le jugement, estimant dans un communiqué qu’il « place Bayer au pied du mur à mesure que grimpent les coûts des procès tandis que son cours de Bourse s’effondre ».

Bayer a acquis l’américain Monsanto en 2018 pour 63 milliards de dollars. Mais le coût pourrait s’avérer bien plus élevé pour le groupe allemand à mesure que s’additionnent aux États-Unis les procès contre Monsanto, spécialiste des produits phytosanitaires et des semences OGM.

Depuis l’acquisition de Monsanto, le cours de Bourse de Bayer a plongé de près de 40 %.