Image légendée
Liza Kulich (G), experte en physique nucléaire, et Vasyl Maslov (D), physicien, à Fleurance, près de Toulouse, le 3 mai 2022 © AFP/Archives Valentine CHAPUIS

Physiciens, Vasyl et Liza ont fui l’Ukraine sous les bombes, une odyssée à travers l’Europe qui les a menés jusqu’au sud-ouest de la France, à Fleurance, où ils poursuivent leurs travaux, constituant une véritable unité de recherche improvisée dans une salle communale.

« À Kharkiv, il y a un mois, les bombes ont commencé à tomber près de notre maison (…). Nous sommes partis », se souvient, ému, Vasyl Maslov, chercheur en physique des plasmas qui, à 67 ans, ne s’imaginait pas quitter un jour son pays en quelques minutes.

Peinant à trouver ses mots en anglais, il montre sur son écran des photos de son institut de recherche avant les bombardements, puis détruit. Il s’inquiète pour ses étudiants qui « continuent à travailler dans les caves de leurs maisons, dans les campements de volontaires ».

Autour de lui, au centre culturel du Moulin du Roy, dans la petite ville tranquille de Fleurance, quelques tables, des chaises, une pièce quasi nue.

« Nous n’avons pas besoin de grand-chose, juste d’une bonne connexion internet », explique à ses côtés Liza Kulich, 38 ans, son ordinateur portable et un grand thermos de thé à portée de main.

Experte en physique nucléaire et radioprotection, cette professeure de l’université de Kiev est partie le 4 mars, d’abord pour Lviv, à 600 km à l’ouest. Un périple de trois jours par des petites routes, de check-points en embouteillages de l’exode et pénurie d’essence.

« Mais à Lviv aussi, il y avait des missiles. » Elle met alors le cap sur la France avec sa fillette de 19 mois et ses parents, âgés de 68 et 65 ans. « C’était difficile pour eux » de quitter Kiev où la famille vit depuis cinq générations.

Son mari, ingénieur civil, a dû rester, explique-t-elle, « comme tous les hommes qui n’ont pas trois enfants mineurs, ou un handicapé, ou une femme sur le point d’accoucher ».

Après cinq jours de voiture, Liza et les siens ont trouvé refuge à Fleurance vers la mi-avril. Vasyl est arrivé de son côté avec sa femme, sa belle-soeur et une amie de son épouse.

Les chercheurs et leurs proches sont hébergés chez des habitants qui préfèrent rester anonymes. Dans leur nouveau « bureau », une affiche du Festival international d’astronomie de Fleurance montre une famille découvrant main dans la main la planète Mars, comme un écho à leur parcours en terre inconnue.

Ces scientifiques n’ont pas débarqué là par hasard. Le « trait d’union » a été l’astrophysicien Michel Cassé, 79 ans, natif du cru et fondateur du festival et de la Ferme des étoiles, avec son mentor Hubert Reeves.

« Pour l’honneur de la recherche, j’ai pensé qu’il fallait montrer qu’elle ne se réduisait pas à une mégère assise sur un char d’assaut. La science crée ou produit des bombes. Mais elle peut aussi produire des idées et un avenir radieux », estime Michel Cassé, ancien directeur de recherche au Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

En attendant de regagner leur pays, Liza et Vasyl continuent à travailler « juste pour se sentir normal » et « former une petite communauté scientifique » pour collaborer, échanger. « C’est très important d’avoir quelqu’un à qui poser des questions. Je ne suis pas un génie, je ne suis pas Einstein ! », explique en riant la jeune femme.

Ainsi, ils sont en train de constituer avec Michel Cassé une unité de recherche sur le rayonnement cosmique, à partir d’un programme reliant la physique nucléaire, l’astrophysique et la physique des plasmas.

L’astrophysicien entend aussi obtenir des bourses pour les étudiants restés en Ukraine et favoriser l’accueil de physiciens russes dissidents, dont 700 ont signé une pétition contre la guerre. « Le projet de Vladimir Poutine, déplore-t-il, est de remplacer les élites par des nervis et il faut absolument éviter ça ! »

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Liza Kulich (G), experte en physique nucléaire, et Vasyl Maslov (D), physicien, avec l'astrophysicien français Michel Cassé (C) à Fleurance, près de Toulouse, le 3 mai 2022 © AFP/Archives Valentine CHAPUIS