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Un thermomètre indique une température de 54° C à l'entrée du Parc national de la Vallée de la mort, le 17 juin 2021 à Furnace Creek, en Californie © AFP/Archives Patrick T. Fallon

Le réchauffement de la planète lié aux activités humaines est « incontestable » mais la science climatique recèle encore des « mystères majeurs » à percer, estime le climatologue Robert Vautard, évoquant notamment une sous-estimation de l'intensité des canicules.

Depuis le dernier rapport d'évaluation des experts climat de l'ONU (Giec) en 2014, la science a largement progressé. « Aujourd'hui, nous avons de meilleurs modèles de projection du climat et de plus longues observations avec un signal du changement climatique beaucoup plus clair. Il était déjà clair, mais il est encore plus clair et incontestable aujourd'hui », explique-t-il avant la publication de la nouvelle évaluation du Giec dont il est l'un des auteurs.

Alors que, très récemment, il était impossible de lier un événement météo précis au réchauffement, la science dite d’ « attribution » permet désormais de le faire. « Aujourd’hui, quasiment à chaque événement, on est en mesure de dire quelques semaines, ou quelques jours après pour les plus simples, si cet événement aurait eu une probabilité beaucoup plus faible d'apparaitre s'il n'y avait pas eu de changement climatique ». Exemple : la canicule extraordinaire qu'a connue fin juin l'ouest des États-Unis et du Canada aurait été « presque impossible » sans le réchauffement, selon les scientifiques du World Weather Attribution. Le premier volet du rapport du Giec, qui doit être dévoilé le 9 août à l'issue d'une réunion qui démarre lundi est axé sur la science : augmentation de la température, hausse du niveau des océans, multiplication des événements extrêmes...

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Carte mondiale des anomalies de températures enregistrées en juin 2021 © AFP/Archives Simon Malfatto

« Températures phénoménales »

Les mécanismes à l’œuvre lors de ces « phénomènes extrêmes qui se produisent maintenant quasiment toutes les semaines un peu partout dans le monde » sont d'ailleurs mieux connus, permettant de « mieux quantifier » leur déroulement dans le futur, explique Robert Vautard.

Malgré ces avancées, « il reste des mystères majeurs », tempère-t-il, comme « le rôle des nuages dans l'équilibre énergétique de la planète » et leur influence sur la sensibilité du climat aux gaz à effet de serre. Mais le climatologue s'interroge surtout sur les « températures phénoménales » enregistrées en juin au Canada ou en Europe en 2019.

« Pour les précipitations, on a la chance d'avoir une loi physique qui dit que la vapeur d'eau augmente de 7% par degré de réchauffement. Les précipitations intenses vont augmenter à peu près autant (...). Mais le problème qui me soucie le plus, ce sont les vagues de chaleur », note-t-il, soulignant les « milliers de morts » provoqués. « On sait que les vagues de chaleur se multiplient, mais on sait aussi que nos modèles sous-estiment l'augmentation de l'intensité de ces vagues de chaleur, en particulier en Europe, d'un facteur 2 », insiste le directeur de l'Institut Pierre-Simon Laplace.

Les modèles climatiques doivent être améliorés pour réduire les marges d'incertitude et gagner encore en précision. Depuis 2014, ils ont permis de développer une modélisation climatique régionale. « Avant, on avait des modèles qui représentaient les grands phénomènes dans l'atmosphère, les océans. Aujourd'hui les modèles descendent à une échelle de l'ordre de 10 km et la génération qui arrive devrait arriver à l'échelle à peu près kilométrique ».

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Les régions dont les glaciers ont perdu le plus de masse dans le monde entre 2000 et 2019, d'après une étude publiée dans Nature © AFP/Archives Laurence Chu

 « Points de bascule »

Ce qui permettra de développer des projections pour des phénomènes de « petite échelle » : les tornades, la grêle ou encore les « épisodes méditerranéens », ces systèmes orageux apportant des précipitations phénoménales telles celles qui ont ravagé une partie du sud-est de la France à l'automne 2020.

« On n'arrive pas encore à bien les simuler car la résolution des modèles n'est pas suffisante » pour des phénomènes qui font « quelques kilomètres ou quelques dizaines de kilomètres ».

Quant aux « points de bascule », comme la possible fonte des calottes glaciaires ou le dépérissement de l'Amazonie, qui pourraient entraîner le système climatique vers un changement dramatique et irrémédiable, on a là encore « beaucoup d'incertitudes et de mystères ». Notamment sur le niveau de température qu'il faudrait pour les enclencher. Il est crucial d'en savoir plus car même s'ils ont une plus faible probabilité, leurs « conséquences irréversibles à l'échelle de millénaires » seraient bien plus grandes que d'autres événements plus probables avec moins d'impacts, explique-t-il.

L'incertitude concerne enfin l'état des forêts et des océans qui absorbent environ la moitié du CO2 émis par l'homme. « Est-ce que cette fonction de puits de carbone va continuer à être efficace ou non ? », s'interroge Robert Vautard. « C'est une inquiétude », car le carbone qu'ils n'absorberaient plus augmenterait la concentration de CO2 dans l'atmosphère et la température mondiale.