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Vue d’artiste de l’étoile TOI-178, à 200 années-lumière de la Terre, avec cinq de ses six exoplanètes © Esa/AFP Handout

Le télescope spatial Cheops a dévoilé le ballet cosmique de cinq exoplanètes, un phénomène encore jamais observé avec des astres dont la variété remet en cause les théories sur leur formation, selon une étude parue cette semaine dans Astronomy and Astrophysics.

À environ 200 années lumière de la Terre, ces exoplanètes – ainsi appelées parce qu’elles se trouvent en dehors de notre Système solaire – tournent sur un même plan autour de leur étoile, TOI-178, avec la régularité d’une horloge. Elles suivent un mouvement de « chaîne de résonance », identifié par l’astronome Laplace à la fin du 18e siècle avec trois des lunes de Jupiter. Quand la plus éloignée, Ganymède, fait un tour de planète, il en faut deux à Europa, plus proche, et quatre à Io, encore plus proche de Jupiter. 

La même mécanique céleste est à l’œuvre avec TOI-178. La première planète de la chaîne fait le tour de l’étoile en environ trois jours, et les suivantes, chacune plus lointaine que la précédente, le font respectivement en 6, 10, 15 et 20 jours, en s’alignant régulièrement pour certaines d’entre elles. Une sixième exoplanète, la plus proche de l’étoile, l’orbite trop rapidement pour être résonance avec les suivantes.

« Nous ne connaissons que cinq autres systèmes avec une telle configuration », dans laquelle plusieurs exoplanètes s’accordent dans une harmonie orbitale autour de leur étoile, remarque auprès de l’AFP Adrien Leleu, astronome à l’Observatoire de l’université de Genève, et principal auteur de l’étude.

Leur intérêt est d’être le témoin « d’un état qu’on pense quasi originel », comme l’explique l’astrophysicien à l’université de Berne Yannick Alibert, co-auteur de l’article. Il évoque des « systèmes comme congelés depuis la fin de leur phase de formation, qui dure des millions d’années ». Car miraculeusement, rien n’est venu perturber cet équilibre « assez fragile » au cours des plus de deux milliards d’années qui ont suivi, jusqu’à nos jours. Et c’est là que les choses se compliquent. Car normalement, plus on s’éloigne de l’étoile, plus la densité des planètes devrait aller en diminuant. Or la densité de la troisième de la chaîne, notamment, est bien plus élevée que celle de la deuxième. « On a une grande variation, ce qui est surprenant », selon M. Leleu.

« D’un côté on a l’impression d’avoir quelque chose qui n’a pas bougé depuis des milliards d’années, les périodes des planètes sont réglées à quelques minutes près, c’est ordonné, et d’un autre côté il y a ces variations de densité », qui remettent en cause les théories communément admises sur la formation des systèmes planétaires. 

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Vue d’artiste de l’étoile TOI-178 avec les six exoplanètes © Eso/AFP L. Calcada

Les observations vont se poursuivre grâce à Cheops, le télescope de l’Agence spatiale européenne (Esa), en orbite depuis la fin 2019, et dédié à la caractérisation des exoplanètes. En attendant d’utiliser un jour le futur successeur de Hubble, le télescope spatial James Webb, qui sera lancé cette année.

« Le système de TOI-178 a l’avantage d’être suffisamment brillant et certaines de ses planètes assez larges pour étudier précisément leurs atmosphères depuis la Terre et l’espace », a dit à l’AFP le Pr Kate Isaak, responsable scientifique de la mission Cheops à l’Esa, qui a co-signé l’étude. Avec en ligne de mire une meilleure compréhension de la formation des systèmes planétaires, et peut-être la détection d’exoplanètes orbitant TOI-178 à une plus grande distance. 

« On veut chercher s’il y a des planètes au-delà, qui seraient dans la zone habitable, au-delà de la sixième » exoplanète, dit le Pr Leleu. Et en attendant, explorer ce système qualifié par les astronomes de « pierre de Rosette », fournissant autant de réponses que de questions sur la formation des planètes.