Animal, végétal ou minéral ? Par son anatomie, le corail intrigue. Nathan Cook, spécialiste des récifs coralliens, tranche la question : « il s’agit d’un invertébré marin ressemblant à une méduse miniature renversée ». En d’autres termes, il s’agit bien d’un animal. Ce jeudi 19 août 2021, lui et ses collègues viennent d’ailleurs de rendre un rapport sur l’un des plus grands coraux découverts dans la grande barrière de corail. Et ce spécimen géant, du genre Porites, pourrait bien apporter une multitude d’informations.

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Des scientifiques nagent au-dessus du corail Porites à Goolboodi © Woody Spark

« Nommé Muga dhambi ­­— « Grand corail » —, ce corail a été découvert par hasard, dans le cadre d’un projet communautaire de science citoyenne, à Goolboodi, également appelé « île Opheus », au large de l’Australie » raconte Nathan Cook. Sa taille, 5,3 mètres de haut sur 10,4 mètres de large, en fait le plus grand corail Porites, en termes de diamètre, mesuré dans la Grande Barrière de corail. D’après son taux de croissance, estimé à 1,21 cm/an, son âge serait compris entre 421 et 438 ans, soit « bien avant l’exploration et la colonisation de l’Australie par les Européens » rappellent les chercheurs.

Après avoir passé en revue les principales perturbations historiques ayant eu lieu dans la région, l’équipe annonce que ce corail est « exceptionnellement rare et résistant ». Leur rapport précise en effet que Muga dhambi « a survécu au blanchiment des coraux, aux espèces envahissantes, aux cyclones, aux marées très basses et aux activités humaines ».

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Des scientifiques utilisent un ruban pour mesurer les dimensions du corail Porites à Goolboodi © Woody Spark

Pourtant, les coraux sont sensibles aux changements environnementaux, notamment à l’augmentation de la température de la mer. « Ils sont considérés comme les "canaris dans les mines de charbon[1]" du changement climatique » précise Nathan Cook. Une particularité qui pourrait être utilisée par les chercheurs pour vérifier les modèles climatiques. « Les grandes colonies de corail sont comme des dépôts historiques qui renferment des secrets dans leur squelette de carbonate de calcium. Chaque année, le corail sécrète des couches de carbonate de calcium. En prélevant des carottes dans les colonies, comme on le fait pour les carottes de glace dans l’Antarctique, ces couches peuvent être analysées et comparées à d’autres données météorologiques, ce qui permet de connaître les évènements climatiques passés et les perturbations qui ont façonné la Grande Barrière de corail ».

Au-delà de relever l’importance de prélever des carottes dans ce corail, les chercheurs préconisent également de restaurer ces coraux, en laboratoire ou directement sur le terrain. Une manière de protéger et préserver les récifs coralliens. « La couverture corallienne de la Grande Barrière de corail a diminué de 50 % au cours des 30 dernières années » déplore Nathan Cook.

[1] L’expression fait référence à une pratique de mineurs qui consistait à descendre dans les galeries avec un canari. L’animal, sensible aux émanations de gaz toxiques, servait de « détecteur ». S’il s’évanouissait ou mourrait, les mineurs savaient qu’ils devaient vite regagner la sortie pour éviter une explosion ou une intoxication très proche.