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Les nuées de criquets migrateurs ont ravagé des cultures dans plusieurs régions du monde. Un essaim actif ces derniers mois regroupait près de cent milliards d’individus sur une surface de 2400 km², soit la superficie du Luxembourg. © AFP/Archives SUMY SADURNI

En 2020, des nuées de criquets ravagent les cultures de nombreux pays. Le phénomène a débuté en 2018 et trouve son origine dans des variations météorologiques extrêmes qui se sont manifestées par de fortes pluies et la pousse de la végétation.

Au-delà de ces conditions environnementales favorables, les chercheurs s’interrogent sur le phénomène qui transforme ce criquet habituellement gris, solitaire, et plutôt inoffensif en un animal de couleur jaune capable de se rassembler dans des essaims pouvant compter quelques milliards d’individus.

Selon une étude publiée dans la revue Nature, le secret de cette métamorphose est lié à une phéromone : la 4-vinylanisole ou 4VA produite par l’animal. Détectée par des cellules sensorielles spécifiques situées dans les antennes de l’animal, cette phéromone agit comme un puissant attractif pour les criquets migrateurs de tous âges et des deux sexes. Avec un effet boule-de-neige : la phéromone attire alors d'autres individus qui rejoignent le groupe et commencent eux-aussi à émettre cette substance.

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Carte de l'Afrique de l'Est montrant les déplacements des essaims de criquets qui constituent un risque pour la sécurité alimentaire, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l’agriculture. © AFP/Archives Laurence SAUBADU

Cette découverte, qui intervient alors que des nuées record de criquets ont dévasté les cultures d'Afrique de l'Est et menacent l'approvisionnement alimentaire au Pakistan, permet d'envisager certaines applications.

Comme la création de criquets génétiquement modifiés qui seraient privés du détecteur de la phéromone, ou la mise en place de pièges pour attirer les insectes.

Les chercheurs ont expérimenté cette dernière hypothèse, installant des pièges à phéromone dans des environnements contrôlés et dans des champs, qui ont effectivement attiré les criquets. C'est « relativement efficace », même « si une optimisation et des ajustements sont nécessaires pour passer de l'expérimentation à une application pratique », a commenté l'un des auteurs, Le Kang, de l'Académie des sciences chinoise.

Pour Leslie Vosshall, chercheuse à l'Université Rockefeller, qui n'a pas participé à l'étude, la perspective la plus enthousiasmante serait de trouver une substance chimique qui bloquerait la réception de la 4VA. « La découverte d'une telle molécule fournirait un antidote chimique à l’agrégation des insectes, et renverrait les criquets à leur vie pacifique et solitaire », a-t-elle commenté, à condition toutefois que cette phéromone soit la seule responsable du comportement grégaire des criquets. Ce qui n’est pas prouvé.