Bizarre ? Bizarre ! Nicolas Teyssandier – #Néandertal
Alors bonjour, moi c’est Nicolas Teyssandier. Je suis préhistorien, archéologue. Et je travaille sur des sociétés très anciennes. Des sociétés qui peuvent avoir vingt, trente, cinquante, cent mille ans des fois, qui sont soit des Homo sapiens, comme vous et moi, soit des hommes de Néandertal. Et ceux dont je veux vous parler aujourd’hui, ma bizarrerie, c’est un symbole graphique que vous connaissez toutes et tous, je pense, qui est fait de deux lignes qui entrecroisent deux autres. En musique, on appelle ça un dièse. Et aujourd’hui, ça sert sur Twitter et les réseaux sociaux à lier entre eux des contenus, à faire que des mots-clés vont relier d’autres mots-clés. On appelle ça communément un hashtag. Tag l’étiquette et hash, le croisillon. Donc voilà. Et à ce moment-là, au moment où je vous dis ça, vous devez vous dire, quel rapport entre ce chercheur préhistorien, travaillant sur des sociétés très anciennes de chasseurs-cueilleurs et un terme aujourd’hui utilisé dans la modernité informatique, dans la modernité des réseaux sociaux ? Alors pour essayer de vous expliquer ma bizarrerie, je vous invite à me suivre dans une grotte, au sud de l’Espagne, à Gibraltar. Donc on est à la pointe sud de l’Espagne, où la mer a creusé des grottes, qui sont aujourd’hui sur les rives de la Méditerranée. Et une grotte qui s’appelle Ghorab, la grotte de Ghorab, contient des dépôts archéologiques qui vont en gros de moins trois cent mille ans à moins dix mille ans avant le présent. Et moi je focalise sur une couche archéologique qui a à peu près quarante mille ans. Donc il y a quarante mille ans en Europe, il y a déjà des Homo sapiens qui sont arrivés depuis l’est et encore des hommes de Néandertal en Péninsule ibérique et notamment dans le sud de l’Espagne. Et donc ces Néandertaliens du sud de l’Espagne, à Gibraltar, ils font ce qu’ont fait leurs ancêtres : ils font des outils en pierre, ils font du feu, ils traitent des peaux, ils mènent leurs activités domestiques. Mais un jour, un d’entre eux va faire une activité plus mystérieuse, il va inciser la roche avec une pointe en silex, et il va l’inciser de façon profonde, c’est-à-dire qu’il va répéter son geste. Il va passer plusieurs fois. Par des études des traces laissées sur les parois de la grotte, on voit que dans le même sens, il est passé peut-être trente, quarante, cinquante fois. Et quand on regarde la photo aujourd’hui, on est frappé par la ressemblance avec notre hashtag quotidien aujourd’hui des réseaux sociaux. Alors, ce qui est intéressant, c’est que ce Néandertalien qui a fait ça, il l’a fait pour être vu par ses contemporains, c’est-à-dire que c’est dans un endroit de la grotte où les gens le voyaient. On a donc avec ce croisillon de Ghorab la trace d’une ancienne représentation symbolique des sociétés néandertaliennes. #Néandertal, #comme un symbole.