Balise Argos et altimètre

L'îlot du Grand Connétable en Guyane française Exempt de prédateurs introduits et bénéficiant du statut de réserve naturelle, l'îlot du Grand Connétable accueille la quasi-totalité des oiseaux marins de Guyane française. © Henri Weimerskirch/CNRS

Grâce au soutien financier de la Direction régionale de l’environnement de Guyane, une équipe de chercheurs du CNRS est allée étudier la technique de vol des frégates superbes sur l’îlot du Grand Connétable*. Pour mesurer leurs déplacements, les frégates ont été équipées d’une balise Argos afin de les localiser et d’un altimètre. Les enregistrements ont montré qu ‘elles pouvaient couvrir des distances de plus de 200 km et monter jusqu’à 2 500 mètres d’altitude.

* étude publiée dans Nature, 421, 333-334, 23 janvier 2003.

Des courants pour s'élever

La frégate superbe... Quand elle ne s'occupe pas de ses petits, la frégate superbe peut voler, sans arrêt, pendant plusieurs semaines. © Henri Weimerskirch/CNRS

Pour parvenir à de telles performances, les frégates superbes utilisent les courants thermiques ascendants de l’air qui leur permettent de voler en économisant au maximum leur énergie. Grâce à leur poids très léger – entre 1,2 et 1,5 kg – par rapport à la surface de leurs ailes – leur envergure peut atteindre 2,4 m - elles se laissent porter en tourbillonnant dans les airs. Puis, elles redescendent en planant avant de se servir de “l’ascenseur“ aérien suivant.

Une stratégie de vol empruntée aux oiseaux migrateurs

Une balise Argos et un altimètre ont été posés sur le dos des frégates pour suivre leurs déplacements. © Henri Weimerskirch/CNRS

Cette technique de vol, qui limite les efforts physiques de l’animal, est la même que celle utilisée par les oiseaux migrateurs au cours de leur long voyage au-dessus des terres. Sauf que ces derniers évitent de survoler les mers car les courants ascendants n’existent pas au-dessus de l’eau. Mais ce n’est pas le cas dans les régions tropicales où la mer est assez chaude pour en produire en permanence. Les frégates, qui vivent dans ces régions, en profitent donc pour voler aussi bien le jour que la nuit, parfois pendant plusieurs semaines, grâce à cette technique.

Un régime alimentaire adapté

Comme son plumage est perméable et que ses pattes sont trop courtes et non palmées, ce qui aurait pu lui permettre de décoller depuis la mer, la frégate ne peut pas se poser sur l’eau, ni même plonger pour attraper des poissons. Elle a donc développé une technique de chasse originale. Elle repère depuis les airs les bouillonnements formés par les bancs de thons ou de dauphins qui traquent les poissons ou les calamars. Pour échapper à leurs prédateurs sous-marins, ces derniers sautent hors de l’eau où la frégate, qui s’est approchée de la surface les saisit au vol. Cette méthode est d’ailleurs bien connue des pêcheurs : la présence de frégates à basse altitude leur indique aussi celle de bancs de poissons.

Une croissance très lente

Henri Weimerskirch, directeur de recherche au CNRS © VC/CSI

Le régime alimentaire des frégates superbes n’est pas sans conséquence. Comme elles vivent dans des zones tropicales, plus pauvres en nourriture que les zones situées en milieu tempéré, les parents ramènent assez peu de nourriture à leur petit (un œuf unique est pondu à chaque portée). Les poussins ont donc une croissance très lente qui dure environ un an. C’est la croissance la plus lente de tous les oiseaux marins. Ainsi, il n’est pas rare que la femelle nourrisse son petit pendant plus d’une dizaine de mois, contrairement au père qui abandonne sa tâche au bout d’un mois.