Le voile sur l'origine des Indiens d'Amérique est en passe d'être levé. Terminée, la théorie selon laquelle un mouvement migratoire unique aurait investi le continent. Une étude publiée le 12 juillet dans la revue Nature révèle que les premiers Amérindiens ont peuplé les Amériques par le nord, en trois vagues migratoires successives.

Cette conclusion s’appuie sur une analyse ADN menée auprès de 500 volontaires issus de 52 populations amérindiennes et 17 peuples sibériens. Pour atteindre un degré de précision suffisant, les chercheurs ont comparé 364 470 marqueurs à l'aide de puces ADN, une technologie puissante qui permet l’analyse simultanée de plusieurs milliers de gènes. « C'est la première fois qu'on utilise cette technique pour étudier les populations d'Amérique », indique Stéphane Mazières, anthropologue et coauteur de la publication. Grâce aux données accumulées, les auteurs de l'étude ont pu évaluer le degré de ressemblance génétique entre ces populations. Résultat : des trois vagues qui ont peuplé le continent, la plus grande vient de Sibérie et les deux autres d'Asie de l'Est.

Une grande migration suivie de deux plus timides

La première vague – la plus importante – a déferlé il y a environ 15 000 ans. Les « First Americans » sont arrivés de Sibérie et ont su profiter de la fin de la dernière glaciation pour rejoindre l'Alaska par l'actuel détroit de Béring. À cette époque, ce dernier formait la « Béringie », un pont naturel entre les deux continents. Les premiers migrants se sont ensuite répandus et ont colonisé les terres en suivant l'axe nord-sud pendant plusieurs milliers d'années.

Les trajectoires migratoires des Amérindiens Sur ce fond de carte, sont représentés les mouvements migratoires issus de Sibérie et d'Asie de l'Est vers le continent américain. © Emiliano Bellini

Plus tard, deux autres vagues de migrants sont venus d’Asie de l’Est. Ils ont atteint l'Alaska et se sont mélangés aux « First Americans » installés au nord pour former les peuples Eskimo-Aléoutes (Indiens d'Alaska) et les Chipewyans, (Indiens du Canada) que l’on connaît aujourd’hui.

Par ailleurs, l’énigme sur l’origine des premiers habitants de Panama vient, elle aussi, d’être résolue. Les ancêtres des Indiens parlant le Chibchan seraient en fait les descendants des premiers migrants installés au Mexique, au Vénézuela et en Colombie.

La fin d'un consensus

« Depuis une vingtaine d’années, les anthropologues généticiens soutenaient le scénario d’une seule vague de peuplement, rappelle Stéphane Mazières. Les archéologues qui étudiaient les restes de crânes proposaient, quant à eux, un modèle avec deux vagues avant de se rallier au point de vue des généticiens en 2008. » Cette nouvelle analyse génétique vient remettre en cause ce consensus. L’hypothèse de trois migrations distinctes avait d'ailleurs déjà été proposée en 1986 par les anthropologues Greenberg, Turner et Zegura. À l’époque, leur classification linguistique des peuples était sujette à controverses et la conclusion de leurs travaux était loin de faire l’unanimité. Aujourd’hui, les données génétiques accumulées sont suffisamment fines pour pouvoir la réhabiliter.