Ce qui est pris n’est plus à apprendre

On savait que l'appât du gain pouvait rendre riche, radin, insensible ou même dingue. Mais depuis un an et la publication des tribulations d'une poignée de savants européens ¹, on sait qu'en plus de tout le reste, l'appât du gain peut aussi faciliter l'apprentissage ou transformer le quidam du coin en résistance électrique intelligente, c'est-à-dire en être capable de répondre à cette impérieuse question : des deux courants électriques qui vont incessamment traverser vos mains gauche et droite, lequel a la fréquence la plus élevée ?

Protocole d'expérience Dans cette expérience, les sujets doivent apprendre à discerner la hauteur de fréquence de deux courants électriques. S'ils y parviennent, soit ils sont félicités (sourires), soit ils reçoivent une somme d'argent plus ou moins importante. © Plos Biology

Le cobaye doit alors se concentrer, supporter les décharges, jauger les dixit courants et répondre. S'il a raison, il reçoit la somme d'argent qu'on lui a promise auparavant. Dans le cas contraire, il fait chou blanc. Ce test, effectué seize fois de suite par individu, a montré qu'à ce petit jeu, les cobayes apprennent beaucoup plus vite si on leur promet une récompense financière. Mieux, plus la récompense promise est élevée, plus ils apprennent vite*. Un résultat qui en dit long sur la nature humaine mais qui, surtout, avalise l'ancestrale technique de la carotte dans l'apprentissage.

Les dessous du mécanisme

Les résultats de l'expérience © Plos Biology, juillet 2009

Pour autant, pas de quoi satisfaire l'esprit, toujours en éveil, des chercheurs... Aussi ont-ils décidé de passer à nouveau des électrodes aux doigts de cobayes un tantinet vénaux. Mais cette fois, en plus de la promesse d'une rétribution financière, les sujets ont dû avaler une heure avant l'expérience, un cachet ¹ soit de levodopa (une substance permettant d'augmenter le taux d'un neurotransmetteur appelé « dopamine » dans le cerveau), soit de l'haloperidol (une substance qui, à l'inverse, permet de bloquer l'action de la dopamine), soit d'une substance placebo.

Les résultats ² montrent que la levodopa augmente encore la vitesse d'apprentissage des sujets quand l'haloperidol annihile tout effet de la récompense... et tout espoir d'enrichissement pour le cobaye. L'amélioration de la vitesse d'apprentissage observée dans le contexte de la récompense passerait donc par le circuit physiologique de la dopamine. Cette substance ne pourra néanmoins pas être prescrite pour doper la vitesse d'apprentissage d'individus sains, le traitement par des substances dopaminergiques pouvant s'accompagner d'effets secondaires sérieux.

Punir ou récompenser ?

La carotte et le bâton L'affiche du film ' La carotte et le bâton ' de Stéphane Arnoux. © DR

À défaut de pilules miracles, il est toujours possible de se rabattre sur la bonne vieille technique « éducative » dite « de la carotte et du bâton ». Enfin plutôt « de la carotte ». En s'intéressant cette fois non plus à l'apprentissage mais aux principes de la coopération à l'échelle d'une société, une équipe internationale ¹ vient de montrer qu'à tout prendre, récompenser les bonnes actions ou les réussites était un meilleur calcul que de punir les faux-pas ou les échecs. D'après leur résultat, récompenser devrait être la règle et punir, l'exception nécessaire...