Les météorites tombent n’importe où et sans prévenir. Alors pour espérer en ramasser, mieux vaut mettre toutes les chances de son côté. Tout bon chasseur de météorites sait que ces roches extraterrestres sont plus facilement repérables sur des sols plats et dégagés comme les déserts ou la banquise. D’ailleurs, deux tiers des météorites retrouvées sur notre planète proviennent du Pôle Sud, soit près de 35 000 spécimens recensés à ce jour. Pourtant, certaines manquent à l’appel. Une catégorie bien spécifique de météorites – les météorites ferreuses – est clairement sous-représentée. On en retrouve huit fois moins que sur le reste du globe. C’est à cet étrange phénomène que s’est intéressée une équipe de l’université de Manchester (Royaume-Uni) composée de spécialistes de l’environnement, mais aussi de mathématiciens…

Cœurs d’astéroïdes


La majorité des météorites que nous retrouvons sur Terre sont des météorites « pierreuses » qui proviennent d’éclats d’astéroïdes (quelques centaines seulement sont d’origine lunaire ou martienne). La catégorie des météorites ferreuses, moins nombreuses, est issue des restes de noyaux de ces astéroïdes qui ont été détruits par collision entre eux ou avec d’autres objets célestes du système solaire. Elles sont composées principalement de fer (Fe) et de nickel (Ni). Elles sont particulièrement recherchées, car elles en disent long sur les états primitifs de notre système solaire. Les premières missions de recherche de météorites en Antarctique remontent à 1912, et elles sont aujourd’hui l’apanage de scientifiques du monde entier à l’instar du projet SAMBA qui réunissait Belgique et Japon et qui rapporta une météorite de 18 kg en 2013.

Ne cherchez plus sur la banquise… mais en dessous !


Pour expliquer le manque de météorites métalliques au Pôle Sud, le mathématicien Geoffrey W. Evatt et ses collègues de Manchester ont étudié de près les spécificités du continent blanc. À cause des mouvements de la banquise et des saisons, un phénomène très particulier se produit, tendant à rassembler les météorites à certains endroits : ce sont les « zones d’échouage de météorites ». Désormais bien connue des chercheurs arpentant l’Antarctique à la recherche des précieux cailloux, cette dynamique n’expliquait pourtant pas pourquoi les objets ferreux étaient aux abonnés absents (0,7 % de trouvailles contre 5,5 % en moyenne ailleurs sur Terre). Modélisant beaucoup plus finement le mouvement de la calotte glaciaire ainsi que les phénomènes de gel et de dégel, Evatt propose alors une hypothèse : une réserve de météorites riches en fer pourrait se cacher sous la calotte glaciaire de l’Antarctique, à moins d’un mètre sous les pieds des scientifiques !

La faute au soleil


Afin de tester cette théorie, les chercheurs ont étudié la zone de la chaîne de montagnes Transantarctique, l’un des plus importants « pièges » de météorites connus. En modélisant finement cette zone, leurs simulations informatiques ont calculé que les météorites pierreuses réapparaissent presque toujours à la surface, tandis que les spécimens ferreux avaient beaucoup moins de chance de remonter à l’air libre ! Les rayons du soleil pénétrant dans la glace pendant les mois d’été réchaufferaient plus fortement les météorites métalliques et feraient fondre la glace qui les entoure. Résultat : elles couleraient quelques dizaines de centimètres plus bas, pour être à nouveau retenues dans une couche de glace solide, hors de portée des regards des scientifiques et autres chasseurs de météorites ! 
Si cette hypothèse s’avère exacte, peut-être faudra-t-il développer de nouveaux outils pour détecter et tenter d’avoir accès à ces morceaux d’astéroïdes…
Source : Evatt, G. W. et al. A potential hidden layer of meteorites below the ice surface of Antarctica. Nat. Commun. 7:10679 doi: 10.1038/ncomms10679 (2016).