Canicule 2003 : un évènement météorologique exceptionnel ?
Pour beaucoup, il ne fait nul doute que la vague de chaleur du mois d’août était inhabituelle. Ce jugement rejoint les constatations des scientifiques : par son intensité, son étendue et sa durée, la canicule 2003 dépasse de très loin tout ce qui a été connu depuis près de 150 ans.
Olivier Boulanger - Publié le
Une vague de chaleur intense...
Jamais la France n'avait connu une vague de chaleur aussi intense : durant les quinze premiers jours du mois d’août 2003, des records absolus de températures ont ainsi été battus un peu partout dans le pays.
En moyenne, les températures maximales ont dépassé de 2°C celles atteintes lors des trois derniers étés les plus chauds, à savoir ceux de 1976, 1983 et 1994. Dans les deux tiers des stations météorologiques françaises, les températures maximales ont ainsi franchi les 35°C, 15 % d’entre elles ayant même atteint les 40°C.
L’élévation des températures minimales (celles atteintes en fin de nuit) est encore plus marquante : elles étaient en moyenne supérieure de 3,5°C aux normales saisonnières. À Paris, du 7 au 14 août, les températures sont ainsi restées constamment au-dessus de 23°C. Dans la nuit du 11 au 12, le thermomètre n'est même jamais descendu en dessous de 25,5°C !
Qu'entend-on pas “canicule“ ?
La notion de canicule est arbitraire et varie selon les pays. Pour les météorologues français, il s’agit d’une période de forte chaleur d’une durée supérieure à 48 heures, dont les températures dépassent les 35°C et sévissant sur une région relativement étendue.
... étendue...
Autre caractéristique de cet épisode caniculaire : son étendue géographique.
Les derniers étés d’intenses chaleurs n’avaient touché que certaines régions. Mais cette année, c’est pratiquement l’ensemble de la France qui est concerné. Seules ont été épargnées la Corse et les régions en bordure de Manche.
Comparaison entre les canicules de 1976, 1983 et 2003
Les épisodes caniculaires précédents n'ont jamais été aussi étendus que celui de 2003.
... d'une durée exceptionnelle.
Pourtant, plus que par son intensité - ou même son étendue -, c’est essentiellement par sa durée que la canicule de cet été s’est singularisée. Jamais les précédents épisodes caniculaires n’avaient été aussi longs.
À titre d’exemple, sur l'ensemble de l'été, Nîmes a connu des températures supérieures à 35°C durant près de trente jours. Habituellement, la ville ne connaît par été que quatre jours de forte chaleur. Il n’y en a eu que quelques uns en 1976, et une douzaine en 1947.
Un épisode presque ordinaire
« C'est pourtant une configuration météorologique assez classique que connaît l’Europe à la fin du mois de juillet, note Jacques Manach, directeur adjoint de la prévision à Météo France. L’anticyclone des Açores s’installe au dessus de l’Europe occidentale et la présence de ces hautes pressions rejette toutes les perturbations vers l’Irlande et le nord de la Scandinavie. » La France connaît alors un beau temps estival.
À partir du 31 juillet, cependant, les choses se compliquent. Une masse d’air très chaud et très sec en provenance du sud arrive par les Pyrénées et enveloppe littéralement la France à compter du 4 août. À une altitude de près de 5000 m, cette masse agit comme une couverture, empêchant les basses couches de se refroidir.
« La présence de cette masse d’air explique l’élévation rapide des températures maximales, conclut Jacques Manach. Elle explique également l’élévation progressive des températures de nuit ».
Jacques Manach, directeur adjoint de la prévision à Météo France... Habituellement, cette situation de blocage ne dure que quelques jours. Pourquoi le phénomène a-t-il duré plus longtemps que d'habitude ? © CSI
Habituellement, cette situation de blocage ne dure que quelques jours. Pourquoi le phénomène a-t-il duré plus longtemps que d'habitude ?
De plus en plus de fortes chaleurs ?
La fréquence de tels évènements irait-elle en s’accélérant ? « Dans le cas particulier de l’été 2003, il serait prématuré de l’affirmer », répond Serge Planton, directeur de la recherche climatologique à Météo France.
La prévision des canicules est-elle possible ? Serge Planton, directeur de la recherche climatologique à Météo France... © CSI
« Des épisodes comme celui-ci, mettant en jeu des températures supérieures à 35°C voire 40°C, sont exceptionnels. Difficile de savoir si un tel phénomène se reproduit tous les cinquante, cent ou cinq cents ans : l’évènement est trop rare pour être traité statistiquement. Si l'on veut obtenir des résultats plus fiables, il faut s’intéresser à des évènements caniculaires moins exceptionnels, en abaissant le seuil de température critique. »
Des études menées en Europe montrent en effet que depuis les années 70, il y a eu en moyenne plus de quinze jours supplémentaires où la température a dépassé les 25°C. Les épisodes de fortes chaleurs sont donc effectivement en augmentation. « Et ils suivent la courbe d’évolution moyenne des températures », constate Serge Planton.
Un signe du réchauffement global ?
C'est un fait que plus aucun scientifique ne conteste : depuis le début des relevés météorologiques, en 1861, la température moyenne s’est élevée de 0,4 à 0,8°C sur l’ensemble du globe (et de 1°C en France).
Un réchauffement qui semble aujourd'hui s'accélérer. Mais jusqu'où ? Selon les modèles ou les postulats retenus (notamment sur les taux gaz à effet de serre rejetés dans les années à venir), les climatologues prévoient une augmentation des températures de 1,4 à 5,8°C d’ici 2100.
Ces quelques degrés auront de nombreuses conséquences sur les équilibres climatiques mondiaux.
« Parmi les bouleversements attendus, le nombre de jours durant lesquels la température dépassera les 35°C pourrait être multiplié par cinq ! », avertit Serge Planton.
La canicule d’août 2003 serait-elle la première d’une longue série ? S’il est encore un peu tôt pour répondre, préparons nous néanmoins à supporter des étés torrides.