Comment les oiseaux ont-ils survécu à la disparition des dinosaures ?
De nombreuses interrogations subsistent au sujet de la grande extinction de la fin du Crétacé. Par exemple : comment les ancêtres des oiseaux ont-ils fait pour y survivre, alors que tant d’autres espèces se sont éteintes ? Des paléontologues canadiens suggèrent que seuls les dinosaures capables de manger des graines ont subsisté.
Véronique Marsollier - Publié le
La catastrophe qui provoqua l’extinction massive de nombreuses espèces à la fin du Crétacé mit fin au règne des grands dinosaures. Alors que ces emblématiques habitants de la planète disparaissaient, un groupe de petits dinosaures à plumes, les néornithes, ancêtres des oiseaux modernes, trouvaient un moyen de survivre et d’assurer leur descendance au moins 66 millions années de plus. Comment ont-ils fait ? Dans un article paru le 21 avril dans la revue Cell Press, une équipe de paléontologues canadiens proposent une hypothèse : leur régime alimentaire, à base de graines, a permis leur survie.
Une énigme de la paléontologie
Les néornithes descendent d’un groupe plus large de petits dinosaures à plumes, les maniraptoriens, vivant au Jurassique (de 201,3 à 145 millions d’années) et au Crétacé (de 145 à 66 Ma). D’apparence très différente, ces dinosaures possédaient toutefois de nombreux points communs en matière de morphologie. Pourtant, certains ont survécu, et d’autres pas. Cette énigme de la paléontologie est d’autant plus difficile à résoudre que les fossiles entiers et bien conservés de maniraptoriens sont particulièrement rares.
Pour guider leurs investigations, les chercheurs canadiens ont d’abord voulu déterminer comment les autres maniraptoriens avaient disparu. Pour en avoir le cœur net, ils ont analysé 3 104 dents – beaucoup moins rares que les fossiles entiers – et ont cherché les indices d’un éventuel changement d’environnement pouvant attester d’une disparition préalable à l’extinction massive. Leur étude s’est portée sur les dents de quatre espèces et sur une période de 18 millions d’années. Les résultats sont sans ambiguïté : la diversité des dents se maintient jusqu’au bout, preuve d’un écosystème riche, et donc signe qu’ils ne se sont pas éteints de manière progressive. « Il y avait des dinosaures ressemblant à des oiseaux avec des dents jusqu’à la fin du Crétacé, période où ils sont tous morts très brusquement, précise Derek Larson, premier auteur de l’étude et paléontologue attaché au musée des dinosaures Philip J. Currie au Canada, certains groupes d’oiseaux à bec ont cependant été en mesure de survivre à l’extinction massive ».
Le régime alimentaire, clé de la survie ?
En recoupant leurs résultats avec des informations issues d’études antérieures, ils proposent une hypothèse originale : un certain nombre de lignées ont été capables de survivre grâce à un bec capable de picorer des graines. Contrairement aux dinosaures à dents, ils ont ainsi pu continuer à se nourrir – les graines étant l’une des rares sources de nourriture subsistant après la catastrophe. La végétation ayant peu à peu dépéri, les herbivores ont disparu, laissant les carnivores eux aussi sans nourriture.
« Cette approche confirme ce que l’on avait vaguement supposé jusqu’alors, car on sait que le régime alimentaire était un facteur important dans la survie ou l’extinction de différents groupes d’animaux à la fin du Crétacé », explique Eric Buffetaud, paléontologue spécialiste des oiseaux à l’École normale supérieure de Paris (ENSP) et directeur de recherche au CNRS. « Si cette hypothèse apporte un début de réponse à l'énigme, il y a encore des points à éclaircir », tempère-t-il. Par exemple : comment expliquer que les oiseaux archaïques, eux aussi dépourvus de dents, et qui coexistaient avec des oiseaux de type moderne, aient également tous disparus à cette période ? « Les chercheurs doivent trouver plus de fossiles, mais aussi examiner d’autres facteurs qui ont pu jouer un rôle – même si cela reste difficile à apprécier en paléontologie –, par exemple, la capacité des oiseaux à voler sur de grandes distances voire à migrer pour rechercher de la nourriture, comme nos oiseaux modernes », conclut Eric Buffetaud.