200 000 IVG en France par an

La France est le pays européen où l'on avorte le plus, alors que les moyens de contraception s'y sont depuis trente ans largement démocratisés. Pour tenter d'expliquer ce paradoxe, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) vient de publier un rapport sur l'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Selon les rapporteurs, « la diversification des attentes et des modes de vie ainsi que l'évolution des relations de couple ne sont pas suffisamment prises en compte dans les prescriptions contraceptives ».

De la loi Veil à nos jours

  • 17 janvier 1975 : La loi Veil dépénalise l'avortement dans certaines conditions. Elle complète alors la loi Neuwirth, qui légalisait la contraception depuis 1972.
  • 31 décembre 1982 : Promulgation de la loi relative à la couverture des frais concernant l'interruption volontaire de grossesse non thérapeutique.
  • 18 janvier 1991 : Promulgation de la loi portant sur les dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, permettant notamment la publicité pour les préservatifs et la contraception.
  • 4 juillet 2001 : L'IVG est autorisée jusqu'à 14 semaines après les dernières règles (12 semaines auparavant).
Evolution de la couverture contraceptive entre 1978 et 2000 en France La pilule était déjà en 1978 la méthode la plus utilisée et elle continue à être diffusée, passant de 40 à 60% de l'ensemble des utilisatrices en vingt-deux ans. Le recours au stérilet a aussi progressé dans la première décennie, et s'est stabilisé ensuite vers 23%. Les autres méthodes réversibles (préservatifs, retrait, abstinence périodique, produits spermicides, etc.) ont reculé, de 43% à 16%, le préservatif représentant aujourd'hui à lui seul près des deux tiers de ce groupe, alors que le retrait venait largement en tête en 1978. Tous motifs confondus (contraceptifs ou médicaux), 7% des femmes âgées de 20 à 44 ans en 1978 avaient subi une opération stérilisante, contre 6% en 1988 et 5% en 2000. La moitié de ces interventions ont, principalement ou partiellement, un but thérapeutique : la stérilisation volontaire n'occupe donc qu'une place modeste dans la régulation des naissances (dernières données publiées, Ined, Population et société, numéro 381, juillet-août 2002). © H. Leridon, P. Oustry, N. Bajos et l’équipe COCON,2002, op cit

Concernant les mineures, l'étude note que « l'information et l'éducation à la sexualité à l'école ne sont pas perçues ni appliquées comme une obligation légale ». De fait, les trois cours annuels « d'éducation sexuelle », prévus de la maternelle à la terminale dans tous les établissements scolaires, ne sont pas toujours tenus.

Parallèlement, le rapport note une diminution du nombre d'hôpitaux qui proposent l'IVG (729 en 2000, 639 en 2006), et pointe un certain nombre d'idées reçues chez les jeunes. Par exemple, certaines jeunes filles pensent qu'elles ne peuvent tomber enceintes que le 14e jour du cycle menstruel ; d'autres, qu'elles ne peuvent pas tomber enceintes lors du premier rapport sexuel. Sur ce point, la ministre de la Santé et des Sports, Roselyne Bachelot, a annoncé le 2 février un renfort de l'information à l'école et la possibilité pour les jeunes filles mineures qui veulent accéder à la contraception de consulter anonymement et gratuitement un médecin généraliste.

Tomber enceinte “sous contraception”

Méthodes de contraception les plus utilisées dans le monde Canada, Brésil, États-Unis et Chine utilisent beaucoup la stérilisation (vasectomie chez l'homme ou ligature des trompes chez la femme). La méthode est en revanche peu prisée en Europe, où elle est pratiquée par un couple sur dix seulement. Le stérilet est, quant à lui, très employé en Chine. Ce pays n'a pratiquement pas recours à la pilule. Le Japon est le seul pays du monde où la méthode préférée est de très loin le préservatif (masculin et féminin). © ONU

Constituée à 80% par des méthodes délivrées sur prescription médicale, la pilule est de loin le moyen le plus utilisé en France. Les mineures peuvent l'obtenir sans autorisation parentale, en s'adressant directement à un centre de planning familial. Cependant, même sous contraceptif, le risque zéro n'existe pas. Dans notre pays, « 72% des IVG sont réalisées sur des femmes qui étaient sous contraception et, dans 42% des cas, cette contraception reposait sur une méthode médicale, théoriquement très efficace (pilule ou stérilet) ». Oubli de pilule, préservatifs mal utilisés, les raisons de ces « accidents » sont nombreuses et pas toujours clairement identifiables.

Pour pallier ces dysfonctionnements, le délai légal pour pouvoir avorter est passé en 2001 de 12 à 14 semaines d'aménorrhée (à partir du premier jour des dernières règles). De plus, l'accord parental n'est plus indispensable. Mais, pour avorter, la mineure doit être obligatoirement accompagnée d'un adulte pour se rendre à l'hôpital. Elle doit ensuite rencontrer une conseillère conjugale et familiale. Cette dernière atteste de la motivation de la mineure à vouloir l'avortement. L'attestation est ensuite transmise au médecin qui va pratiquer l'avortement, soit par voie médicamenteuse, soit par voie chirurgicale.

 

Pour le remboursement de l'intervention, chaque hôpital possède un code confidentiel. Ce code lui permet d'être remboursé par la Sécurité sociale sans que ne soient sollicités les parents de la mineure concernée. Si elle ne possède pas de carte vitale (avant 16 ans), une attestation de celle des parents peut être demandée. Cependant, les règles sur ce point varient selon les hôpitaux, et, dans certains cas, l'avortement peut se faire sans que ces papiers ne soient exigés. Normalement, cinq jours d'attente sont prévus pour accéder à l'IVG dans les établissements qui le proposent. Dans les zones de fortes demandes, le délai d'attente peut être plus long.

Les conclusions du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales montrent que les choses n'ont guère évolué ces dernières années puisque « nous dressions déjà le même constat en 2004 ».