C’est une revanche de la nature inattendue, la révélation éclatante du potentiel que constituent les déchets agricoles en matière de régénération forestière et cela, vingt ans après l'abandon d'un projet expérimental. Les résultats de cette observation ont été publiés dans la revue Restoration Ecology du 4 septembre 2017. 
En 1997, deux chercheurs en écologie de l’université de Pennsylvanie, Daniel Janzen et Winnie Hallwachs – qui ont travaillé pendant plusieurs années comme chercheurs et conseillers techniques du Parc national de Guanacaste, au Costa Rica – décident de tester une méthode originale de restauration de la forêt tropicale dans une zone aride du nord-ouest du parc. Ils proposent à une entreprise locale de production de jus d’orange, Del Oro SA, de recycler ses déchets sur des terres dégradées. Mille remorques de 12 000 tonnes d’écorces d’oranges doivent donc être déversées sur trois hectares de pâturages stériles, limitrophes de la zone de conservation du parc. Un partenariat dont les deux protagonistes tirent bénéfice : pour la société Del Oro, se débarrasser facilement de ses déchets et à moindre coût ; et pour les scientifiques, démontrer l’intérêt des déchets agricoles pour régénérer les sols appauvris.

Surprise ! 

Deux ans plus tard, le projet capote face à l’hostilité d’une entreprise concurrente, soutenue par la Cour suprême du Costa Rica : TicoFruit accuse les déversements de dégrader le Parc. Les pelures abandonnées restent là, jonchant le sol.
Peu à peu, la nature reprend ses droits : les déchets organiques, riches en macro- et micro-nutriments, fertilisent la terre et engendrent une véritable jungle. À tel point que seize ans plus tard, en 2013, un chercheur ayant participé au projet, Timothy Treuer, peine à retrouver son emplacement. Sans aucune intervention humaine, le paillis de pelures d’orange, transformé en un épais terreau noir au bout de six mois, a favorisé une régénération accélérée de la forêt disparue depuis longtemps sur ces terres.
Comparée à une zone proche sur laquelle n’avaient pas été déversées de peaux d’orange, l’équipe de Timothy Treuer décrit une terre plus riche et une augmentation de 176 % de la biomasse, avec une plus grande variétés de plantes et une canopée bien développée. Exemple marquant, un figuier a tellement bien poussé sur ce substrat qu’il a fallu trois personnes pour embrasser sa circonférence.

Les mécanismes précis à l’origine de cette luxuriance restent à élucider. Le destin improbable de cette décharge abandonnée pourrait favoriser le développement de projets similaires, espère David Wilcove, coauteur de l’étude et professeur de biologie à l'Institut environnemental de Princeton. Utiliser les restes de la production alimentaire industrielle pour faire revivre des forêts tropicales à moindre coût constitue une piste prometteuse, plaident les chercheurs. Bon point pour le climat : les forêts ainsi revitalisées pourront séquestrer encore plus de carbone de l’atmosphère.