De nouvelles espèces de fourmis identifiées grâce à l’imagerie 3D
L’utilisation d’une nouvelle technique d’imagerie en trois dimensions offre un nouvel élan à la taxonomie. Elle est au cœur de la découverte de quatre nouvelles espèces de fourmis, identifiées en Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux îles Fidji.
Véronique Marsollier - Publié le
C’est une des tâches les plus anciennes et les plus élémentaires de la biologie. La taxonomie est une discipline qui consiste à identifier, documenter et nommer de nouvelles espèces, traditionnellement à l’aide de photographies, dessins et descriptions. Des chercheurs de l’Institut des sciences de l’université du Michigan (États-Unis) et de l’université de technologie d’Okinawa au Japon (OIST) n’ont toutefois pas hésité à renouveler les codes de la discipline en utilisant un outil inhabituel : l’imagerie en trois dimensions. Grâce à cette méthode, les biologistes ont pu identifier quatre nouvelles espèces de fourmis du genre Pheidole au fin fond des forêts tropicales de Papouasie-Nouvelle-Guinée et des îles Fidji. Cette découverte fait l’objet de deux articles publiés dans la revue Plos One du 27 juillet 2016.
Des spécimens 3D aussi vrais que nature
Le genre Pheidole regroupe plus de 1000 espèces réparties dans le monde entier. Difficile alors de les caractériser précisément. Pour se faciliter la tâche, les auteurs de l’étude ont eu l’idée d’utiliser la microtomographie aux rayons X ou micro-CT. Cette technique d’imagerie 3D adaptée à la taille des fourmis fonctionne de manière similaire à la tomodensitométrie, une méthode utilisée dans le domaine médical pour voir avec précision l’intérieur du corps. La microtomographie retranscrit avec une résolution très élevée les mesures morphométriques, de l’ordre du micron (µm) au millième de millimètre près. C’est une des premières études en taxonomie qui utilise des micro-CT, constate Evan Economo, un des auteurs de l’étude et responsable de l’unité de biocomplexité de l’unité de la biodiversité de l’université d’Okinawa (OIST). Bien que cette méthode gagne en popularité dans les différents domaines scientifiques, il est rare de l’utiliser de cette façon.
Les chercheurs ont créé des « galeries 3D » d’espèces nouvelles ou déjà connues, pour permettre aux autres scientifiques d’identifier et de différencier les spécimens de fourmis.
L’avantage de la technique est qu’une fois la fourmi scannée, elle devient un spécimen virtuel qui « revit » en trois dimensions. L’insecte peut alors être disséqué, archivé et partagé avec d’autres scientifiques du monde entier. En outre, ce mode de visualisation permet d’examiner et de comparer la structure interne de l’animal. « Imaginez que vous travaillez dans la brousse africaine et que vous souhaitez identifier une fourmi, vous pouvez alors simplement télécharger la fourmi virtuelle, effectuer des mesures et la comparer à votre échantillon africain, sans vous rendre dans un musée ou laboratoire à l’autre bout du monde », s’enthousiasme Georg Fischer, coauteur de l’étude et chercheur à l’OIST.
Quatre nouvelles espèces identifiées
L’équipe a couplé cette technique à des méthodes traditionnelles, dont la microscopie optique multifocale, pour identifier et décrire quatre espèces de fourmis, deux en Papouasie-Nouvelle-Guinée et deux dans les îles Fidji.
Le genre Pheidole se caractérise par une tête massive et une mâchoire faite pour briser de gros morceaux de nourriture. Les fourmis ouvrières appartenant à cette famille et vivant en Papouasie-Nouvelle-Guinée ont également la particularité d’avoir de grandes épines dorsales. Pour cette raison, les biologistes n’ont pas pu résister à la tentation de les baptiser Pheidole viserion, et Pheidole drogon, en référence à deux des dragons de la série Game of thrones. Les deux autres espèces de fourmis Pheidole trouvées dans les îles Fidji ont été baptisées Pheidole ululevu et Pheidole kava et ont un aspect beaucoup moins agressif que leurs congénères de Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Une autre lecture de la morphologie
Selon toute vraisemblance, les épines hérissées des deux premières espèces ressemblent à des armes de défense contre les prédateurs. Cependant, la micro-CT apporte un autre éclairage qui remet cette hypothèse en question. Elle révèle que ces épines implantées sur le thorax contiennent des fibres musculaires, ce qui a pour conséquence de rendre ces fourmis plus fortes et plus robustes. Les chercheurs suggèrent donc une autre théorie : cette musculature pourrait servir à tenir leur tête massive. Preuve est faite que les nouvelles technologies peuvent, non seulement dépoussiérer la discipline, comme le pense Evan Economo, coauteur de l’étude, mais aussi aider à mieux comprendre la morphologie des espèces les plus petites.