Dérèglement climatique : le grolar n’envahira pas la planète
Le changement climatique, et notamment l’augmentation des températures, promet de modifier le comportement de certaines espèces. Des hybrides, fruits du croisement d'espèces proches, pourraient mettre en danger la biodiversité. Une nouvelle étude montre cependant que ce phénomène restera marginal.
Sophie Félix - Publié le
Une perte de biodiversité, c'est ce que pourrait entraîner le réchauffement climatique, ou du moins les scientifiques le craignent-ils. L’augmentation des températures pourrait en effet forcer les migrations et mettre en contact des espèces jusque-là séparées géographiquement. Certaines, génétiquement proches, pourraient alors se reproduire et même, dans certains cas, donner naissance à des individus fertiles.
C’est le cas, par exemple, des ours polaires et des grizzlys américains, dont la progéniture se nomme « grolar » ou « prizzly ». De plus en plus de ces hybrides sont repérés dans le nord américain, car les ours polaires profitent de la fonte des glaces pour descendre vers le sud tandis que les grizzlys remontent de plus en plus au nord des forêts canadiennes grâce aux températures plus douces.
Les rares croisements naturels seraient donc accélérés par les activités humaines, un phénomène qui constitue une menace surtout pour les espèces en voie d’extinction, puisque les rencontres au sein de l’espèce se feraient de plus en plus rares. Dans un article publié dans Nature en décembre 2010, trois chercheurs travaillant aux États-Unis et en Alaska mettaient en garde la communauté scientifique contre un « melting-pot » arctique, c’est-à-dire la création de créatures mélangées entre toutes les espèces compatibles et qui ne seraient adaptées à rien. Le grolar, par exemple, est moins bon nageur et craint plus le grand froid que son parent polaire. Des espèces adaptées, mais en petit nombre pourraient ainsi disparaître au profit d’individus mélangés plus faibles : ces derniers pourraient eux-mêmes ne pas survivre longtemps.
Une crainte non fondée
Une nouvelle étude publiée dans Nature Climate Change montre que cette crainte n’est pas fondée : 6,4 % seulement des espèces proches génétiquement mais éloignées géographiquement pourraient être amenées à se rencontrer d’ici la fin du siècle. La menace ne serait donc pas si importante.
Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont modélisé les possibilités de migration de 9 577 paires d’espèces de mammifères, amphibiens et oiseaux des Amériques, dont 4 796 géographiquement séparées aujourd’hui. Les oiseaux et les espèces des tropiques seraient les plus susceptibles d’hybridation, mais pas au-delà de 11,6 %.
Ces modèles ne prennent pas en compte les barrières naturelles ou artificielles qui pourraient bloquer l’accès d’un territoire à une espèce et l’empêcher de rencontrer son espèce voisine : ce résultat, déjà faible, serait donc encore surestimé. Les scientifiques conseillent d’ailleurs de favoriser les passages d’animaux, notamment à travers les autoroutes et autres constructions humaines. En effet, préserver la liberté de déplacement des animaux en quête d’un habitat plus favorable demeure plus important que d’empêcher les croisements, ces derniers restant en outre limités.