Depuis la moitié des années 1990, la Chine nous a offert de nombreux fossiles de dinosaures à plumes. Avec Epidendrosaurus et Epidexipteryx identifiés respectivement en 2002 et 2008, ce spécimen est le troisième représentant connu à ce jour de la famille des Scansoriopterygidae. Il porte le petit nom évocateur de Yi qi, « aile étrange » en mandarin.

Des ailes de chauve-souris ?

L’étude de son fossile a été publiée dans la revue Nature datée du 7 mai 2015. De la taille d’un pigeon, il possède des dents et pèse environ 380 grammes. Il a été découvert dans le nord-est de la Chine, dans des sédiments datant de 160 millions d’années, correspondant au Jurassique moyen à supérieur.

À la différence des autres théropodes (groupe des dinosaures carnivores bipèdes), les Scansoriopterygidae ont un troisième doigt plus long que les deux autres. C’est particulièrement vrai dans le cas de Yi qi. Mais ce qui est plus remarquable encore, c’est la fine structure d’os (ou de cartilage calcifié) attachée au « poignet ». Elle est encore plus longue que les doigts et se courbe très légèrement en son extrémité.
Quel pouvait être son rôle ? L’observation du fossile révèle un reste de tissu membraneux dans la zone du « poignet » qui suggère une sorte de voilure. « Cette structure anatomique est absolument originale, souligne Guillaume Lecointre, chercheur en systématique et professeur au Muséum national d’histoire naturelle. Ni chez les dinosaures ni chez les vertébrés, on n'en trouve d’équivalente ! » Chez les chauves-souris, en effet, l’aile est majoritairement supportée par des phalanges et chez les oiseaux majoritairement par l’avant-bras. Mais « ce petit dinosaure, précise-t-il, porte une partie de son aile par des phalanges et l’autre partie par un os absolument original qui part du carpe ».

Des plumes sans vol ?

Quand le paléontologue chinois Xu Xing et ses collègues ont étudié le spécimen, ils n’ont pas pu reconstruire l’exact mouvement de ses ailes en vol. L’état de conservation du fossile et la disposition du squelette, en effet, ne le permettent pas. Cependant, quelques indications laissent à penser que Yi qi planait de branche en branche, comme le font aujourd’hui les écureuils volants. Mais peut-être battait-il seulement des ailes, ou peut-être encore se déplaçait-il de ces deux manières, difficile de le savoir. En tout cas, l’analyse du fossile montre que le corps de Yi qi était recouvert de « plumes filamenteuses » d’un type inhabituel et inadaptées au vol, mais qui jouaient probablement un rôle thermique et social (reconnaissance par les congénères, séduction…).
Dans l'embranchement des dinosaures qui a conduit aux oiseaux, les plumes ont été utilisées pour une nouvelle fonction : le vol. Mais la branche évolutive de Yi qi, celle des Scansoriopterygidae, s’est éteinte avec le temps. 

« La capacité à se mouvoir dans l’air, soit par un vol plané, soit par un vol battu est apparue plusieurs fois dans l’évolution des vertébrés, souligne Guillaume Lecointre, il n’est donc pas très étonnant que ce petit dinosaure ait peut-être adopté une manière de vol propre, différente de celle des groupes volants déjà connus. Mais ce qui est surprenant, c’est qu’on ne réinvente jamais deux fois la même chose : on vole différemment, avec d’autres organes ».