Glace combustible : extraction record pour une énergie à risque
Au terme de deux décennies d’exploration, des chercheurs chinois ont réussi à extraire une grande quantité de glace combustible provenant de gisements marins. Une avancée technique notable pour l’exploitation d’une énergie fossile encore mal maîtrisée.
Véronique Marsollier - Publié le
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La plate-forme est installée en mer de Chine méridionale, à environ 320 km au sud-est de Zhuhai, dans le Guangdong.
Au terme d'un travail soutenu de vingt ans de recherche, la Chine a annoncé une extraction expérimentale record d’hydrates de méthane. Débutée le 10 mai, l'expérience s’est achevée le 9 juillet. En 60 jours, plus de 235 000 mètres cubes de ce gaz naturel ont été extraits d’un puits sous-marin situé à 1266 mètres de profondeur en mer de Chine méridionale. La production journalière a atteint jusqu’à 98 000 mètres cubes, selon les autorités géologiques nationales.
Des hydrates de méthane en abondance
L’hydrate de méthane, ou clathrate, a l’apparence et la consistance de la glace. Mais il s’agit en fait de molécules gazeuses d’origine animale ou végétale, piégées dans une « cage » de molécules d’eau congelée. Les clathrates ne sont pas rares. On en retrouve un peu partout sur la planète, notamment dans les sédiments, sous les fonds océaniques, sur les talus continentaux, ou sur terre, sous le permafrost des régions arctiques.
À forte pression et à basse température, les hydrates de méthane sont stables. Mais ils peuvent facilement s’enflammer dès que ces conditions sont bouleversées, d’où leur surnom de « glace combustible ». Leur extraction est de ce fait extrêmement complexe et la maîtriser est essentielle pour l'exploiter. Car c'est une ressource énergétique de valeur : un mètre cube d’hydrates de méthane peut libérer jusqu’à 164 m3 de méthane.
De surcroît, les réserves mondiales sont gigantesques : l’énergie contenue dans les gisements d’hydrates de méthane représenterait plus du double de toutes les réserves planétaires de gaz naturel, de pétrole et de charbon réunis !
La Chine à la pointe des recherches
Pour l’heure, moins d’une centaine de gisements sont identifiés ou supposés. Un des plus importants se situe dans le golfe du Mexique, aux États-Unis. Reste à établir une évaluation précise des réserves exploitables à travers le monde : un inventaire difficile à réaliser et sujet à controverses. Au Japon, l'accident nucléaire de Fukushima a ravivé l’intérêt pour cette source d’énergie potentielle. Dès 2013, le pays a mené avec succès une première campagne d’extraction. La Chine, les États-Unis, le Canada, l’Inde et la Corée du Sud lui ont rapidement emboité le pas.
Désormais, la Chine est à la pointe de la recherche. Les experts chinois considèrent les hydrates de méthane comme la meilleure alternative au pétrole et au gaz naturel. En outre, les hydrates extraits lors des essais sont d’une grande pureté, avec une teneur en méthane estimée à 99,5 %. La Chine compte bien accélérer les forages : d'autres tests sont programmés pour étudier ces méthodes d’extraction basées sur la dépressurisation. Une exploitation commerciale serait envisageable vers 2030, estime le gouvernement chinois.
Gisements d’hydrates de méthane en Chine
Selon le ministère chinois de la terre et des ressources, les réserves d’hydrates de méthane du pays atteindraient 80 milliards de tonnes-équivalent-pétrole. Deux gisements d’hydrates de méthane (de respectivement 123,1 milliards de m3 et 150 milliards de m3) ont déjà été découverts.
Une exploitation mal maîtrisée
Restent plusieurs défis techniques à lever avant toute exploitation commerciale. Le méthane est un gaz à effet de serre 28 à 30 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (potentiel de réchauffement global à 100 ans). Vu l'énormité des volumes concernés, des extractions mal maîtrisées, libérant beaucoup de gaz, pourraient donc accroître le réchauffement climatique. À son tour, le réchauffement planétaire peut déstabiliser les gisements d'hydrates de gaz, provoquant ainsi un relâchement additionnel de méthane qui aggraverait l’effet de serre. Maintenir la stabilité des gisements constitue donc une contrainte essentielle. Enfin, les risques géologiques doivent être bien cernés : l’exploitation pourrait être à l’origine de glissements de terrain sous-marins sur le talus continental et causer ainsi des tsunamis.