Ancrées dans le sol, les plantes sont attaquées par de nombreux insectes herbivores. Et difficile pour elles de prendre leurs racines à leur cou... Heureusement, elles disposent d'autres moyens pour se défendre, notamment rendre les insectes… cannibales ! Des chercheurs de l’université du Wisconsin, à Madison, viennent d’étudier ce phénomène avec trois acteurs : des plants de tomates, des chenilles et du jasmonate de méthyle, une substance chimique sécrétée par la plante – c'est le cas de la tomate,mais pas seulement – lorsqu’elle est soumise à un stress. Leurs résultats sont parus le 10 juillet dans la revue Nature Ecology & Evolution.

L’hypothèse de départ était que cette molécule, en donnant un mauvais goût à la plante, pouvait encourager les insectes à se tourner vers un mets plus juteux : leurs camarades. Ce mécanisme de défense est idéal. Il réduit le nombre d'herbivores et leur appétence pour les matières végétales. Pour étudier ce phénomène, les scientifiques ont pulvérisé des plants de tomates avec différentes gammes de concentration de jasmonate de méthyle, et d'autres avec une solution « contrôle ». Ils ont ensuite déposé huit chenilles sur chaque plant et compté chaque jour combien il en restait. Au terme de huit jours d'expérience, ils ont pesé la quantité de matière végétale que chaque groupe de traitement avait permis de conserver.

Les résultats confirment l’hypothèse de départ. Plus la concentration de jasmonate est élevée et plus le passage vers le cannibalisme est rapide, laissant les plants de tomate intacts. Dans les groupes à faible concentration de substance chimique, les chenilles mangent l’ensemble de la plante et ne se tournent vers le cannibalisme que dans un second temps.  

Cri chimique

En plus de disposer d'un moyen de défense efficace, les plantes attaquées dans la nature préviennent leurs voisines qu’il y a un danger. À l’instar d’un cri chimique, d’autres végétaux peuvent détecter les substances aériennes émises par les plantes proches, comme le jasmonate de méthyle, et commencer à investir dans leurs propres défenses au cas où elles seraient les prochaines au menu.
Les chercheurs désirent continuer leurs recherches afin de savoir si le cannibalisme pourrait ralentir ou non la propagation de maladies dans la population d’insectes, et si les chenilles sont aussi promptes à se tourner vers le cannibalisme quand elles ont plusieurs plantes à disposition plutôt qu’une seule, comme en laboratoire.