La grippe aviaire progresse en Europe
Après un premier cas en Allemagne, au début du mois de novembre, c’est maintenant dans des élevages de poules aux Pays-Bas et de canards en Angleterre que la souche H5N8 de la grippe aviaire a été décelée. Jusque-là, sa présence ne se limitait qu’à quelques pays d’Asie.
Roxane Tchernia - Publié le
Le virus de la grippe aviaire a été détecté le 15 novembre dans un élevage de volailles de l’ouest des Pays-Bas, dans le village d’Hekendorp. C’est la troisième exploitation touchée en Europe depuis le début du mois de novembre. Le gouvernement néerlandais a précisé qu’il s’agissait de la souche H5N8, extrêmement pathogène et très contagieuse chez les volatiles. Dans des conditions particulières — proximité et contact avec une importante concentration d’oiseaux — elle pourrait être transmise à l’Homme, mais aucun cas n’a encore été signalé.
Le site de production d’œufs où le virus a été trouvé regroupe près de 150 000 poules qui doivent être abattues puis éliminées pour limiter les risques de propagation. Des équipes de l’Autorité néerlandaise pour la sécurité de l’alimentation et des produits de consommation (NVWA) ont démarré des opérations d’assainissement de la ferme. Les autorités ont également interdit, temporairement, les transports d’oiseaux, de leurs œufs, de leurs excréments et du matériel agricole utilisé (cages…). Pour les fermes mixtes, ces règles concernent l’ensemble des animaux de l’élevage. Une zone de sureveillance accrue, d’un rayon de 10 km autour la ferme, a été instaurée conformément aux directives européennes.
La Grande-Bretagne et l’Allemagne aussi
La Grande-Bretagne a fait savoir peu après les Pays-Bas qu’un cas de grippe aviaire avait été dépisté dans un élevage de canards du Yorkshire. Le ministère anglais de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales (Defra) a confirmé, le 19 novembre, qu’il s’agissait également de la variante H5N8. Les 6 000 oiseaux du domaine doivent être progressivement exécutés « d’une façon humaine et prudente par le personnel très qualifié de l’Agence de la santé, des plantes et des animaux (APHA) », a assuré le ministère.
Au début du mois de novembre, l’Allemagne était le premier pays européen à faire face à H5N8. Un élevage de dindes avait été contaminé dans le nord-est du pays. Jusqu’à présent, la souche n’avait été repérée que sur le continent asiatique : en Corée du Sud, au Japon et en Chine. Différentes hypothèses peuvent expliquer comment le virus atteint l’Europe. Il pourrait avoir été introduit par l’import de poussins achetés en Asie ou par le transit, en Europe du Nord, d’oiseaux migrateurs.
Un risque économique pour les exploitations
Quels sont les risques liés à l’apparition d’H5N8 en Europe ? Le virus étant mortel chez les volatiles, une propagation rapide et massive dans les élevages européens entraînerait une forte perte économique. Pour ce qui est d’une transmission à l’Homme, « elle est possible, mais serait très limitée », rassure Vincent Enouf, responsable adjoint du Centre National de Référence des virus Influenzae à l’Institut Pasteur de Paris. Il rappelle notamment que cette souche, sous sa forme actuelle, ne se diffuse pas d’humain à humain. Néanmoins, « le virus peut connaître des mutations qui favoriseraient sa propagation à d’autres espèces ou à l’Homme, et qui en augmenteraient le pouvoir infectieux. Il est donc nécessaire de l’éradiquer dans les élevages touchés. »
Vers une meilleure connaissance de la souche
En effectuant des prélèvements sécurisés sur les animaux contaminés, les chercheurs peuvent mettre le virus en culture puis séquencer son génome et le confronter aux ADN H5N8 observés ailleurs en Asie et en Europe. En le comparant à d’autres souches, les scientifiques peuvent également anticiper les mutations possibles et leurs effets. « Il semble y avoir des ressemblances entre la HA* du H5N8 et du H5N1, indique Vincent Enouf. Comme les mutations à l’origine d’une hypothétique propagation interhumaine pour H5N1 ont été potentiellement caractérisées, elles pourraient être repérées dès leur apparition, si elles se produisent sur H5N8. »
Après l’annonce du gouvernement néerlandais, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, a demandé un renforcement de la vigilance en France et dit se tenir prêt « à activer le plan national d’intervention sanitaire d’urgence » si la maladie se manifeste.
* Hémagglutinine (HA) : protéine à la surface du virus (correspond au « H » de la dénomination).
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